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LITTÉRATURE.

Et il lut les mots suivans qui étincelaient et tournaient rapides, rapides comme la roue d’un moulin :

— « Une jeune et jolie femme ne renonce jamais au luxe et aux plaisirs…

— » Pour se tuer, surtout…

— » Elle t’a joué, sot…

— » Elle a aimé ton or, quand tu avais de l’or…

— » Elle a aimé ta jeunesse et ta beauté, quand tu avais de la jeunesse et de la beauté…

— » L’orange est sucée, adieu l’écorce…

— » Elle en aime un autre qui a de l’or, comme tu avais de l’or ; de la beauté, comme tu avais de la beauté…

— » Elle a voulu se débarrasser de toi…

— » Elle a compté sur ta niaise exaltation…

— » Et puis sur ta ruine…

— » Et puis sur son sang-froid et son adresse pendant que tu te livrais à un dernier transport frénétique et convulsif…

— » Et elle rit de toi avec son amant, — son amant, — son amant…

— » Car elle te croit mort, — mort, — mort… »

Ici le comte fit un bond affreux, se réveilla, se dressa raide sur ses pieds, tout d’une pièce, la bouche écumante, et tomba en travers du lit, les yeux grands ouverts, fixes ; presque sans pouls, et faisant entendre un râlement sourd et étouffé…

Ce fut encore le bon garde-chasse qui le tira de cette nouvelle crise, qui le combla de nouveaux soins, toujours à 10 francs la journée d’affection et d’attachement.

Quand le comte put se lever et marcher, il lui donna un brillant pour aller le vendre, le paya sur le prix, et s’en fut.

Onc depuis le bon garde-chasse n’en entendit parler.

S’il eût pourtant lu le Sémaphore de Marseille, il eût peut-être été frappé de ce qui suit :

« Un crime affreux vient de jeter la consternation dans nos murs : depuis quelque temps, madame la comtesse veuve de ***, était arrivée ici avec M. de ***, parent de notre ar-