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SOUVENIRS D’ORIENT.

au lit du vent, les mouettes, et les alcyons regagnaient rapidement les côtes en faisant entendre à de longs intervalles leurs cris rauques et sauvages. Effectivement, deux heures après, un de ces coups de vent de nord, si terribles dans l’Archipel, commençait à s’annoncer avec force : la frégate russe qui nous restait encore en vue eut un de ses huniers emportés par une rafale. On apercevait au loin une longue trace blanche, formée par la vapeur de l’eau soulevée en tourbillons dans le canal de Macronisi. Nous prîmes successivement tous les ris ; mais reconnaissant l’impossibilité de tenir la mer avec une aussi frêle embarcation, le capitaine ordonna de gouverner sur le cap Sunium, où se trouve un mouillage d’une assez mauvaise tenue, le seul qu’il nous fût possible d’aborder. Vers trois heures, nous avions doublé le retranchement de Patrocle surnommé Gaidaronisi (l’île aux ânes), et jeté l’ancre par sept brasses de fond.

Le Palinure voulut essayer de continuer sa route ; nous le vîmes successivement carguer ses voiles hautes, prendre des ris dans ses basses voiles et faire toutes ses dispositions pour lutter contre l’ouragan. La nuit nous le fit perdre de vue, mais nous apprîmes plus tard qu’il avait payé cher son obstination.

Le lendemain, la tempête étant dans toute sa force, il eût été impossible de mettre une barque à la mer pour aller visiter le rivage. Je me contentai donc de lire Platon en présence des lieux même où il enseignait ses disciples. Je savourais en égoïste le plaisir de me sentir abrité contre la fureur des vents déchaînés ; de pouvoir contempler avec tranquillité cet élé-