Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

berceau, à fin de mieux calculer ensuite la rapidité de son essor et la progression de ses développemens.

La naissance des lettres en Russie[1] ne date réellement que du règne de Pierre Ier. Avant cette époque, les moines étaient seuls dépositaires des lumières. Le haut clergé se distingua, vers les temps les plus reculés, par quelques bons ouvrages. On cite les annales du moine Nestor, écrites dans le xie siècle, et qui jusqu’ici ont servi de base à tous ceux qui se sont occupés de l’histoire russe. Ces annales ont eu des continuateurs jusqu’en 1700, mais il est bon de faire observer que Nestor, ayant traduit en grande partie les historiens byzantins, sa chronique est éminemment dépourvue du grand mérite de l’originalité.

En fait de littérature proprement dite, on ne peut guère citer de pièce ancienne et vraiment nationale que le poème sur l’expédition d’Igor contre les Polovtsi, qui date du xiie siècle. Cette production, très-estimée parmi les littérateurs, sert aujourd’hui de témoignage à l’antiquité de la poésie slave, et à l’existence d’autres ouvrages que le temps a dévorés. Le style, les tournures, les métaphores, tout porte à croire que ce poème est une imitation des anciens contes russes sur les exploits des princes et des héros. On y reconnaît l’enflure orientale, car l’auteur de ce chant guerrier fait l’éloge du rossignol de l’ancien temps, du poète Boïan, dont les doigts se promenaient avec légèreté sur les cordes harmonieuses d’un luth, et qui célébrait la gloire des preux. Plusieurs écrivains prétendent que le nom de Boïan était donné aux poètes qui,

  1. C’est au tsar Ivan Wassiliévitch que la Russie est redevable de l’introduction des premières presses d’imprimerie. Elle eut lieu en 1553, sous la direction d’un Danois nommé Gouze. Mais, depuis son établissement jusqu’en 1711, on n’imprima que les livres sacrés et les oukases des souverains. À cette dernière époque, une imprimerie russe, que Jean Tessing, Hollandais, avait formée à Amsterdam, par privilége de Pierre le Grand, fut transportée à Moscou, et mise en activité par le Polonais Kopievsky. Plusieurs ouvrages sur l’histoire et les mathématiques sortirent de cette typographie.