Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

de Vomvizine. Cependant cet auteur n’est jamais franc dans ses productions : Allemand d’origine, et portant un nom qui sonne mal aux oreilles russes, pour qui la langue tudesque a peu de charmes, il voulut obtenir du succès en ridiculisant, aux yeux de ses compatriotes adoptifs, les Français et jusqu’aux Allemands eux-mêmes ; aussi toutes ses pièces se ressentent-elles de cette absence de naturel qui exclut le vis comica, on y voit trop l’homme qui se bat les flancs pour avoir de l’esprit. Sa pièce du Brigadier n’est pas sans quelque mérite, et dans sa pièce du niais Niedorossle, il a réussi, par quelques mauvaises et grossières charges, à exciter le rire des Russes, qui, soit dit en passant, sont bien moins difficiles pour leur langue que pour le français.

La muse de l’épopée devait aussi son tribut à un règne qui donnait l’élan à toutes les puissances de l’imagination : Khéraskof eut la gloire de chanter Vladimir, et dans la Rossiade il immortalisa la conquête du royaume de Kasan, l’un des plus hauts faits d’armes de la Russie, puisqu’il la délivra à jamais des excursions des Tatars. Enthousiaste de la gloire contemporaine comme de celle des temps anciens, ce poète célébra la victoire de Tchesmé dont s’illustra le règne de Catherine ; enfin, chaussant le cothurne, il enrichit la scène tragique du tableau de Pojarsky, ce héros cher aux Russes, et que le ciseau du fameux Martoz a représenté dans le beau groupe qui décore une des principales places de la ville de Moscou.

Tandis que Kheraskof initiait la langue russe aux fictions brillantes de l’épopée et à sa mâle harmonie, les Grâces semblaient dicter à Bogdanovitch son poème de Douschinka (Psyché), qui se distingue par les plus riantes images et une parfaite mélodie de style. Cette charmante composition, imitée en grande partie de La Fontaine, fit sensation dans le monde littéraire. L’impératrice Catherine l’avait si parfaitement gravée dans sa mémoire, qu’elle en pouvait réciter indistinctement tous les morceaux.

Dans le même temps, Kastrof traduisait en vers alexan-