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VOYAGES.


embrasser la ville d’un seul coup-d’œil. Le premier édifice qui frappe les regards est une tour carrée (pyrgos), au front crénelé, qui, par sa hauteur, dépasse tout ce qui l’entoure ; c’est le donjon où, sous le régime ottoman, l’aga turc avait établi sa résidence. Il est remplacé aujourd’hui par l’un des riches primats de la Morée, Zaïmi, dont les habitudes orientales rappellent un peu celui qui le précédait dans cette demeure. Quand il sort, monté sur un cheval qu’escortent deux pallicares, et que suit un tchibouktchi[1], ses vêtemens somptueux, sa démarche fière décèlent assez son éducation, son caractère et son rang. Une multitude de huttes basses et enfumées, construites autour de ce pyrgos avec des branchages et de la terre détrempée, présentent de loin l’aspect d’un camp. Sous ces tristes abris vivent ou plutôt languissent dans le deuil les restes des populations de l’Archipel échappées au fer des Ottomans. Ici la jeune Ipsariote, au large turban, à la blonde chevelure, au teint de lis et de roses, essaie encore d’ajuster avec coquetterie les restes de son élégant costume, dont la misère enlève chaque jour un lambeau : elle pleure ses montagnes arides, cette île aux flots tumul-

    tique ne peut recevoir que des bâtimens d’un très-faible tirant d’eau. Les canots, en se rendant du mouillage à la ville, ne doivent pas mettre le cap sur Égine. Il faut, pour éviter les bas-fonds, leur faire faire un circuit qui les éloigne du rivage, en gouvernant un peu à bâbord.

    Les bâtimens doivent aussi, en passant devant la ville, prendre garde de ranger de trop près une petite île basse, d’une teinte rougeâtre, dont le prolongement s’étend fort avant dans la rade, et qu’ils laissent à tribord.

    Du reste, les travaux hydrographiques des Anglais sur le golfe Salonique pendant les années 1829 et 1830, compléteront la reconnaissance déjà faite en partie par mon oncle, le contre-amiral Gauttier.

  1. Domestique chargé du soin de la pipe.