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SOUVENIRS DE GRÈCE.

tueux qu’elle ne doit plus revoir, ses frères et ses sœurs qui végètent dans les bagnes de Constantinople ou dans les harems des bourreaux de sa famille. Plus loin est la population d’Aiwali, cent fois plus misérable encore : elle aussi ne retrouvera plus de patrie ; mais considérée comme étrangère par ceux qu’elle a voulu défendre, elle ne reçoit pas même la consolation d’un soupir de sympathie. Have, pâle, décharnée, on la voit errant dans les campagnes stériles d’Égine, pour arracher à la terre quelques racines sauvages, ou cherchant un abri parmi les tombeaux qu’elle peuple de spectres animés. Lugubre colonie, digne de la patrie d’Éaque, juge des enfers !

La ville entière ne présente pas partout un aussi déplorable spectacle : au bazar, plusieurs Grecs de Chio ont rassemblé des marchandises d’une médiocre valeur ; on y trouve du chali de Smyrne, des étoffes de Brousse, des draps français, de la quincaillerie de Trieste, du riz, des dattes d’Égypte, et une grande quantité de babouches, d’habits et de fourrures.

À l’extrémité de la longue rue dans laquelle le bazar est situé, et sur la gauche de la route qui conduit au débarcadère de la rade, on rencontre un vaste édifice, récemment construit aux frais de l’impératrice de Russie, et destiné à servir d’asile aux jeunes Grecs orphelins : il a reçu le nom d’Orphanotrophion[1]. M. Mus-

  1. L’Orphanotrophe, l’un des premiers monumens construits à Égine par ordre du gouvernement grec, est un vaste édifice formant un carré long, dont l’entrée principale fait face au couchant ; c’est là que sont élevés les jeunes enfans rachetés par la France en Égypte, et les fils de familles pauvres qui ont pu obtenir leur entrée dans cet établissement. Le nombre des élèves est d’environ trois cents. Ils reçoivent l’éducation première et sont ensuite formés ailleurs aux arts mécani-