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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/28

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VOYAGES.

briand : le palmier, roi gigantesque du désert, était seul resté debout au milieu des décombres, et semblait avoir pris possession de son empire silencieux.

Nous suivîmes les traces de longues rues désertes : partout des murs renversés, des poutres charbonnées, des sculptures en éclats, des troncs d’oliviers, d’orangers et de citronniers coupés jusqu’à la racine. À côté de la petite légende (ma-challah ) qui distinguait les maisons turques, on reconnaissait les caractères à demi-effacés d’une inscription hellénique ; les frêles murailles du harem moderne confondaient leurs ruines avec les restes du gynécée antique ; la croix fracassée, le croissant mutilé mêlaient leurs débris aux vieux marbres des autels de Jupiter, et l’on rencontrait à chaque pas, réunis dans un même désastre, les monumens de tous les âges et de tous les cultes. Au-dessus de cet amas de matériaux confusément entassés, une prodigieuse quantité de lézards verts, jaunes, bruns, mouchetés, circulant avec une agilité que redoublait l’active influence d’un soleil ardent, peuplait toutes les cavités des décombres. Çà et là croissaient d’épaisses touffes d’orties, et des buissons de galaxidi[1], de cette herbe épaisse et vénéneuse dont les exhalaisons donnent la fièvre ; les feuilles acérées des aloès ferox palissadaient les sommets des murailles en ruine, et quelques plantes grimpantes attachant leurs vrilles aux interstices des cloisons renversées, semblaient s’efforcer de masquer sous leurs fleurs et sous leur feuillage cette scène de désolation.

En approchant du Pœcile, nous rencontrâmes quelques Grecs que la misère avait forcés de revenir à leurs

  1. Espèce d’euphorbe.