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LITTÉRATURE.

Nous publions les vers de Farcy, et pourtant, nous le croyons, sa vocation était ailleurs ; son goût, ses études, son talent original, les conseils de ses amis les plus influens, le portaient vers la philosophie ; il semblait né pour soutenir et continuer avec indépendance le mouvement spiritualiste émané de l’École normale. Il n’avait traversé la poésie qu’en courant, dans ses voyages, par aventure de jeunesse, et comme on traverse certains pays et certaines passions. Au moment où les forces de son esprit plus rassis et plus mûr se rassemblaient sur l’objet auquel il était éminemment propre et qui allait devenir l’étude de sa vie, la Providence nous l’enleva. Ces vers donc, ces rêves inachevés, ces soupirs exhalés çà et là dans la solitude, le long des grandes routes, au sein des îles d’Italie, au milieu des nuits de l’Atlantique ; ces vagues plaintes de première jeunesse, qui, s’il avait vécu, auraient à jamais sommeillé dans son portefeuille avec quelque fleur séchée, quelque billet dont l’encre a jauni, quelques-uns de ces mystères qu’on n’oublie pas et qu’on ne dit pas ; ces essais un peu pâles et indécis où sont pourtant épars tous les traits de son âme, nous les publions comme ce qui reste d’un homme jeune, mort au début, frappé à la poitrine en un moment immortel, et qui, cher de tout temps à tous ceux qui l’ont connu, ne saurait désormais demeurer indifférent à la patrie.

Jean-George Farcy naquit à Paris le 20 novembre 1800, d’une extraction honnête, mais fort obscure. Enfant unique, il avait quinze mois lorsqu’il perdit son père et sa mère ; sa grand’mère le recueillit, et le fit élever… En 1819, ses études terminées, il entra à l’École normale, et il en sortait lorsque l’ordonnance du ministère Corbière brisa l’institution en 1822… Durant ces vingt-deux années, comment s’était passée la vie de l’orphelin Farcy ? La portion extérieure en est fort claire et fort simple ; il étudia beaucoup, se distingua dans ses classes, se concilia l’amitié de ses condisciples et de ses maîtres ; il allait deux fois le jour au collége ; il sortait probablement tous les dimanches ou toutes les quinzaines