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VOYAGES.

tête grecque, seule éclairée, se détachait comme une vision céleste sur les ténèbres du sanctuaire.

Des voix de tous les âges se répondaient, se confondaient dans une seule pensée. Ainsi cette même langue qui retentissait sous les tentes d’Agamemnon, aux fêtes de la Grèce dans les temples de Jupiter, elle est maintenant chantée par les filles de Calabre, dans une pauvre église, pour glorifier le fils d’un charpentier.

J’étais surtout curieux des chansons albanaises. Mon hôte de San-Demetrio m’adressa à Santa-Sofia, à un de ses amis, qui en a fait un recueil. Santa-Sofia est un des villages albanais de l’arrondissement de San-Demetrio, et quoiqu’il ne soit qu’à quatre ou cinq milles du chef-lieu, de profonds ravins, des sentiers abominables, des torrens sans pont, suivant l’usage de ce pauvre royaume de Naples, rendent souvent les communications difficiles, et les ferment même quelquefois tout-à-fait en hiver.

Le chemin passe sur les hauteurs, et a quelques échappées sur le Chratis et sur la plaine de Sybaris, convertie aujourd’hui en marécages insalubres peuplés de buffles, et en bois pleins de loups. Un Albanais marchait devant moi, et chantait, d’une voix lente et mâle, un air national dont les paroles m’ont rappelé la mythologie poétique de la Grèce moderne, où les oiseaux jouent un si grand rôle[1]. — « Une mère, disait-il, pleurait son fils, son fils unique ; et elle était dans l’affliction, car il était prisonnier, et si loin, qu’il ne pouvait lui donner de ses nouvelles.

» Or, il écrivit enfin une lettre, qu’il attacha aux plumes d’un oiseau, et l’oiseau vint se poser sur un

  1. Voyez les chants populaires traduits par M. Fauriel.