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VOYAGES.

partient-il à la classe noble, un ou plusieurs serviteurs sont assignés à son service, et participent à son état d’interdiction ; n’est-il qu’un homme du peuple, il est obligé de ramasser ses alimens avec sa bouche, à la manière des animaux.

On sent bien que le tapou sera d’autant plus solennel et plus respectable, qu’il émanera d’un personnage plus important. L’homme du peuple, sujet à tous les tapous des divers chefs de la tribu, n’a guère d’autre pouvoir que de se l’imposer à lui-même. Le Rangatira, selon son rang, peut assujétir à son tapou ceux qui dépendent de son autorité directe. Enfin, la tribu tout entière respecte aveuglément les tapous imposés par le chef principal.

D’après cela, il est facile de prévoir quelle ressource les chefs peuvent tirer de cette institution pour assurer leurs droits, et faire respecter leurs volontés. C’est une sorte de veto d’une extension indéfinie, dont le pouvoir est consacré par un préjugé religieux de la nature la plus intime. Aux siècles d’ignorance, les foudres spirituelles du Vatican n’eurent pas des effets plus rapides, plus absolus sur les consciences des chrétiens timorés, et leurs décrets n’obtenaient pas une obéissance plus explicite que ceux du tapou à la Nouvelle-Zélande. À défaut de lois positives pour sceller leur puissance, et de moyens directs pour appuyer leurs ordres, les chefs n’ont d’autre garantie que le tapou. Ainsi qu’un chef craigne de voir les cochons, le poisson, les coquillages, etc., manquer un jour à sa tribu par une consommation imprévoyante et prématurée de la part de ses sujets, il imposera le tapou sur ces divers objets, et cela pour tel espace de temps qu’il le jugera convenable. Veut-il écarter de sa maison, de ses champs, des voi-