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VOYAGES.

claves qui, de ce moment, partagent toutes les conséquences de leur position ; pauvres, ils sont réduits à la situation la plus déplorable, et contraints de ramasser avec leur bouche les vivres qu’on leur porte. L’accès des cases ou des malades taboués est aussi rigoureusement interdit aux étrangers qu’aux habitans du pays.

C’est ainsi que M. Nicholas nous dépeint l’état où se trouva Doua-Tara du moment où sa maladie fut déclarée mortelle. L’Atoua s’était établi dans son estomac, et nul pouvoir humain n’eût pu l’en chasser. Doua-Tara était rigoureusement séquestré de toute communication avec les profanes, et M. Nicholas eût été massacré sur-le-champ s’il eût voulu violer le tapou. Par une exception spéciale, M. Marsden ne put jouir de ce privilége qu’en son double titre d’ariki et de tohounga (prophète) ; encore cela n’eût peut-être pas suffi, s’il n’eût menacé les naturels de canonner Rangui-Hou, dans le cas où ils eussent persisté dans leurs refus.

L’Atoua, disaient-ils, était occupé à dévorer les entrailles de Doua-Tara, et ce chef périrait (mate moe) dès qu’elles seraient toutes dévorées. Pour mieux le soustraire à tout rapport avec les étrangers, ses amis voulaient d’avance le transporter sur l’île isolée où il devait être inhumé ; mais Doua-Tara les en empêcha au moyen d’un pistolet dont il était armé, et dont il les menaçait quand ils voulaient s’approcher de lui. Quelque temps avant sa mort, ses femmes et ses parens veillaient autour de lui, et attendaient en silence le moment où il allait expirer. Le prêtre ne le quittait point non plus ; il veillait à l’accomplissement de toutes les cérémonies requises en pareille circonstance, et ne permettait pas que rien ne se fît sans son entremise. Ils croyaient en général que la mort de Doua-Tara avait été