homme, il s’approcha de la fenêtre. — Vive la Nation ! À bas les Bourbons ! La liberté ou la mort !
C’est pour le coup que le vieux cannonier eut la fièvre ; il se retourna vers l’enfant qu’il tenait par la main, et dont les yeux flambaient, fixés sur ceux du grand-père ;… ceux-là étaient voilés, mais leurs paupières closes sentirent un feu caché, depuis long-temps assoupi.
Le vieillard prêta l’oreille, guettant parmi tous ces cris celui de sa jeunesse : Vive la République ! Il l’entendit qui perçait à travers ceux de la foule, et venait chercher dans son vieux cœur un écho resté fidèle. Vive la République ! répondit-il, et une lueur de joie éclaira son visage flétri, et deux larmes coulèrent sur ses joues arides ; se penchant vers son fils, que de bon cœur il l’embrassa !
— Viens, dit-il. — L’enfant bondit ; et au moment où ils passaient le seuil de la rue, les cris de : Vive la Nation ! partaient avec plus de force d’un groupe d’hommes du peuple, comme pour saluer le vétéran du 10 août.
— À la Grève ! à la Grève ! — Oui, dit Rodon, à la Grève ! à la Commune ! — L’enfant, cette fois, n’était pas forcé de traîner son grand-père par la main.
Et le bruit du canon devenait à chaque instant plus fort, et le cœur de l’invalide battait à chaque coup plus vite. Il murmurait, d’une voix cassée, quelques mots inintelligibles, se tournant avec un sourire du côté où il entendait crier : Vive la Nation !
— Le drapeau tricolore ! dit Robert ; là-haut ! sur Notre-Dame ! — L’aveugle leva les yeux ; il aurait bien voulu voir.
— Retirez-vous donc, vieux père ! lui dit un ouvrier qui rechargeait son fusil derrière une borne ; v’là qu’ils vont tirer ;… êtes-vous fou ?
Mais il marcha droit vers les pièces, brandissant son bâton ;… oui, droit sur les pièces,… on n’aurait pas dit qu’il était aveugle, le vieux soldat… L’enfant était toujours à ses côtés, un peu surpris, et disant : — Pas si vite donc, grand-père !