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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

voyaient dans cette levée de boucliers qu’une folie de jeunesse ; les autres, impatiens du joug étranger, confians dans la justice de leur cause et dans leurs propres forces, se jetaient avec ardeur, avec fanatisme, dans le torrent révolutionnaire.

Au moment même de l’expulsion du Czarévitch, deux partis se levèrent : l’un légal ou constitutionnel, appuyé sur la charte octroyée par le vainqueur en 1815 ; l’autre légitime ou révolutionnaire, basé sur la légitimité nationale, ou, si l’on veut, sur un droit divin sanctionné par les dix siècles de l’indépendance polonaise. Ces partis n’étaient point hostiles entre eux ; car, agissant presque toujours avec bonne foi et conscience, ils étaient d’accord sur tous les points principaux. Ainsi, aucun ne reconnaissait pour légitime l’acte de spoliation et de brigandage des trois puissances[1] ; mais le parti légal ne voulait s’appuyer que sur la charte émanée du traité de Vienne. Le fait est qu’en admettant même la légitimité de ce traité, les Polonais ont le droit de réclamer leur indépendance en ne s’appuyant que de sa seule autorité.

Qu’est-ce qui constitue l’individualité d’une nation ? C’est sa langue, sa religion, ses mœurs, ses usages, ses souvenirs

  1. En disant qu’aucun parti ne reconnaissait la légitimité du gouvernement de Nicolas, nous n’avons aucun égard à quelques opinions particulières opposées à celle de la nation tout entière, et trop gravement erronées pour jamais constituer un parti politique. Ces opinions se trouvent malheureusement dans une brochure publiée en français par M. le comte Plater, et intitulée : Les Polonais au tribunal de l’Europe. (Paris, 1831 ; chez Aimé-André.) Mais cette insulte faite au bon sens par un homme qui semble, du reste, vouloir le bonheur de son pays, a été relevée par M. Adam Gurowski, l’un des héros du 29 novembre, et qui, par ses écrits et par ses discours dans la société patriotique, a rendu des services signalés à sa patrie. Sa brochure, en réponse à celle de M. le comte Plater et à une autre publiée à Londres en anglais par un anonyme (supposé M. le comte Walewski), a pour titre : La Cause polonaise sous son véritable point de vue. (Paris. 1831 ; chez Levavasseur.)