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RÉVOLUTION POLONAISE.

voyer des troupes pour désarmer les Russes, de s’emparer du Czarévitch, et de ne traiter qu’avec le roi. On fut obligé d’admettre dans le conseil, avec une voix consultative, deux hommes désignés par la société patriotique, gens de tête et de cœur qui avaient éprouvé les plus cruelles souffrances sous le gouvernement du Czarévitch ; l’un était l’avocat Xavier Bronikowsk, l’autre le journaliste Maurice Mochnacki, homme exalté, sur lequel Lelewel seul avait quelque empire, qu’il devait à son âge, à son sang-froid et à sa célébrité littéraire. Un nouveau sacrifice au principe de la légalité fut l’envoi d’une députation du conseil (le 2 décembre) au Czarévitch, qui se trouvait alors avec sept mille hommes de sa garde russe, au village de Wirzba, à deux lieues de la capitale. Cette députation était composée de Lubecki, Czartoryski, Lelewel et Vladislas Ostrowski.

Arrivée à Wirzba, elle trouva le Czarévitch humble et affable, de hautain et cruel qu’il était trois jours auparavant. Lubecki justifia et les motifs de l’insurrection, et la conduite du conseil d’administration, dont le premier devoir était de veiller au respect des lois. Ostrowski répéta ce qu’il avait déjà dit au Czarévitch, lors de la dernière diète, dans des circonstances bien différentes : « Malheur aux princes qui accoutument les peuples à la violation des lois. » Czartoryski parla dans le même sens que Lubecki. Le Czarévitch répondit avec calme ; il se plaignit de la violation de son château de Belvédère, et raconta plusieurs anecdotes touchantes sur la fidélité de ses domestiques russes, dont l’un se tua en sautant du second étage pour sauver son maître.

La princesse de Lowicz, femme du Czarévitch[1], fit les plus

  1. La princesse de Lowicz était une femme charmante, pleine de grâce et d’élégance, et sut inspirer des sentimens tendres et délicats à un homme du caractère de Constantin. Avec elle, il n’était plus le même homme : gai, confiant, il ne lui laissa jamais voir d’autres traces de ses emportemens que celles qui restaient long-temps empreintes sur son visage. — Constantin, lui disait-elle, calmez-vous : la pensée doit toujours précéder l’action, et chez vous l’action précède