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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/360

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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

une haine profonde de l’anarchie des gouvernemens révolutionnaires, et avait cru en voir les premiers germes dans la formation du gouvernement provisoire. L’illustre Niemcewicz, ancien compagnon de la gloire de Kosciuszko, et presque tous ceux qui avaient des places ou des richesses à perdre, se rallièrent au dictateur dans la même horreur de l’anarchie. Ainsi se forma un parti très-fort, auquel on peut donner le nom de parti doctrinaire. Chlopicki en était le chef, comme Lelewel était celui du parti national.

Ce dernier approuvait tous les raisonnemens de ses adversaires ; mais il soutenait que la France de 1793 n’était pas la Pologne de 1830 ; que les prêtres[1], les nobles et les rois différaient dans ces deux pays ; que, loin d’être des fléaux de la nation polonaise, ils en avaient toujours été les bienfaiteurs ; il fondait là-dessus l’impossibilité du jacobinisme en Pologne. Le parti doctrinaire citait, de son côté, les discours prononcés dans les clubs, ceux entre autres de Maurice Mochnacki, d’Adam Gurowski, de Xavier Bronikowski, de Boleslas Ostrowski et de Louis Zukowski, qui tous proclamaient ouvertement quelques-uns des principes des jacobins, et excitaient les passions du peuple et de l’armée. Le fait est que tous étaient romantiques en politique, et se donnaient même ce nom. Le plus exalté était Mochnacki, auteur d’un grand nombre d’excellens écrits sur la philosophie allemande et sur le romantisme ; il ne pouvait être regardé comme jacobin, car il était catholique et pa-

  1. Lorsque la révolution fut déclarée nationale, le clergé offrit les cloches des églises pour fondre des canons ; des évêques abandonnèrent une partie de leur revenu ; les lettres pastorales, les prédicateurs du haut de la chaire, appelèrent les citoyens aux armes ; les curés se mirent à la tête des recrues, et les moines travaillèrent en masse aux fortifications de Praga. Ceux de l’abbaye de Czenstochowa, qui déjà en 1806 avaient fait à la Pologne un don de 400,000 florins en argenterie, lui donnèrent dans cette circonstance la moitié du trésor dont ils sont les gardiens.