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ÉPOPÉE DES BOHÊMES.

furieux sur leurs oppresseurs, Ils les renversent, ils les foulent aux pieds avec leurs chevaux ; furieux après le lever de la lune, furieux sous le soleil brûlant du jour, et puis furieux encore dans la nuit ténébreuse, et puis après la nuit, dans la brume du matin.

« Voyez, un fleuve sauvage gronde, les vagues roulent sur les vagues, l’une sur l’autre, la foule roule sur la foule, tout se précipite à travers le bruit du fleuve. Le flot dévore un grand nombre d’étrangers ; il porte ceux du pays de l’autre côté, il les porte sur l’autre bord.

» Là, sur la montagne grise ! là nous attend notre vengeance.

» Vois, frère Zaboj ! nous ne sommes plus loin de la montagne. Vois les troupeaux d’ennemis, comme ils fuient honteusement !

» Rentrons dans les clairières, toi ici, moi là ; que tout ce qui est au roi périsse !

» Les vents murmurent à travers le pays, la foule murmure à travers le pays ; à travers le pays, à droite et puis à gauche, en rangs amoncelés, la foule marche avec des cris de joie,

» Frères, voyez, la montagne s’obscurcit ! Ah ! les dieux nous ont donné la victoire ! des troupeaux d’âmes flottent là et là, d’arbre en arbre. La peur tremble devant leurs ailes ténébreuses. Il n’y a que les hiboux qui n’ont pas peur. Là-haut sur la montagne, enterrez les cadavres ; portez aux dieux une offrande à leur gré ; aux dieux, aux sauveurs, portez-leur une riche abondance d’offrandes ; chantez pour eux les chants qu’ils aiment ; consacrez-leur la dépouille des ennemis tombés. »


Edgar Quinet