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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/453

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RÉVOLUTION POLONAISE.

dait d’ailleurs indispensable le rejet de cette couleur, et Radziwill distribua à son état-major des écharpes tricolores françaises. Cependant la diète n’avait encore rien décidé à cet égard. L’aigle blanc sur écusson rouge étant, disait-on, le symbole de la Pologne des Piastes, et le cavalier bleu celui de la Lithuanie, la cocarde nationale devait être bleue, rouge et blanche, d’autant plus que ces trois couleurs étaient celles des anciennes confédérations polonaises[1]. Après quelques débats, le projet fut rejeté, comme tendant au jacobinisme français, et on décida que rouge et blanc seraient les couleurs nationales de Pologne.

  1. C’était une erreur, comme tout ce qu’on a dit et écrit à ce sujet. Le rouge, quoique ce fût la couleur de l’écusson de l’aigle blanc, fut toujours regardé en Pologne comme une couleur russe. Les anciennes confédérations polonaises avaient adopté dans leur uniforme l’amarante, le bleu et le blanc, parce que les paysans de Cracovie portent des habits bleus avec le collet amarante et les revers blancs. C’était un hommage rendu à l’égalité, un acte de résistance aux diètes, où les riches tendaient vers la féodalité, et les rois vers le pouvoir absolu. On prit même des paysans cracoviens la mode du bonnet amarante à quatre cornes, bonnet de liberté qui a conservé le nom de konfederatka. Mais les Polonais ne portèrent jamais de cocarde, si ce n’est peut-être sous Auguste iii et sous Stanislas-Auguste, où les troupes régulières, composées pour la plupart de mercenaires étrangers, étaient habillées, coiffées, poudrées, disciplinées et fouettées à l’allemande. Quant aux drapeaux, chaque province et chaque palatinat avait le sien à sa couleur et à ses armes, le cerf pour Lublin, l’ours pour la Samogitie, la croix pour la Wolhynie, saint Michel pour la Kiovie, etc. Il y avait même des drapeaux aux armes des gentilshommes qui commandaient des corps de leur formation. Enfin plusieurs confédérations, entre autres celle de Bar, la plus célèbre et la plus nationale, avaient un étendard à l’image de la Vierge, qui était regardée comme la reine de Pologne.

    Toutes ces circonstances, quoique généralement connues en Pologne, ne furent rappelées ni dans la diète, ni dans les journaux, et on alla jusqu’à barbouiller de bleu le cavalier blanc de la Lithuanie, pour emprunter les trois couleurs françaises. Le seul palatinat de Brzesc avait un cavalier bleu sur ses armes.