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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

L’entrée des Russes en Pologne suspendit les intrigues des doctrinaires. Le consul prussien Schmidt, qui les favorisait, quitta Varsovie pour retourner en Prusse. Chlopicki se rendit, en qualité de volontaire, au quartier-général de Radziwill.

Enfin, le 19, s’engagea, dans les plaines de Grochow, une bataille générale qui se prolongea jusqu’au lendemain soir. L’ennemi, débouchant d’une forêt voisine, couvrait toutes ses manœuvres. Un petit bois d’aunes séparait les Polonais des Russes, et de sa possession dépendait la victoire ; il resta aux Polonais, et six régimens de Rosen furent presque entièrement détruits. Dans cette affaire, Chlopicki fut toujours au poste le plus périlleux.

Cette première victoire des Polonais était signalée. La capitale, sous les murs de laquelle le sort de la patrie allait se décider, présentait un grand spectacle. La joie brillait sur tous les visages. Les collines qui dominent la Vistule et la plaine de Grochow, les toits des maisons et des églises, étaient couverts de spectateurs, qui, jugeant de l’issue de la bataille par l’éloignement du canon, poussaient des cris d’allégresse ; d’autres, les femmes surtout, remplissaient les rues pour soigner les blessés rapportés du champ de bataille. Un instant suffit pour former des ambulances, car on n’y avait pas songé jusqu’alors. Riches et pauvres apportaient des vivres, des lits, du linge, et se dévouaient de leur personne au service des hôpitaux.

Un repos de quatre jours suivit les deux jours de combat. La garde nationale de Varsovie et une foule d’autres citoyens se rendirent au camp, et portèrent des vivres à l’armée, qui, depuis plusieurs jours, bivouaquait sur la neige. On embrassait les soldats, et des larmes d’attendrissement coulaient de tous les yeux.

L’attitude de la diète et du gouvernement était grave et imposante. Un instant suffisait pour interrompre leurs travaux : la vengeance, les supplices étaient à leurs portes ; mais, pleins de confiance dans la sainteté de la cause natio-