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ANECDOTES SUR ALGER.

gabarres, bricks et bombardes, tous mettaient dans leur manœuvre une promptitude sans exemple ; tous se pressaient à l’entrée du goulet, et semblaient se disputer à qui arriverait le premier hors de cette rade où les vents nous retenaient depuis si long-temps. À cinq heures la Provence se mit sous voile, et à la chute du jour il ne restait plus un seul vaisseau dans ce port, qui, quelques heures auparavant, contenait toute la marine française. Alger ! Alger ! criait-on de toutes parts, comme les Romains criaient : Carthage !

» Dès qu’on fut à quelques milles en mer, l’amiral fit le signal à la flotte de se mettre en ordre de marche. La Provence prit la tête de la première escadre ; le Trident se mit en tête de la deuxième ; la réserve prit l’extrême droite, et le convoi se rallia au vent à l’extrême gauche. La nuit nous déroba la beauté du spectacle, dont nous jouîmes le lendemain au lever du soleil, qui frappait d’une manière resplendissante les voiles du convoi à l’horizon, et qui éclairait les côtes de France, dont la vue allait bientôt nous échapper. Les deux lignes de notre flotte, majestueusement tracées sur la mer par un sillage d’une blancheur éblouissante, occupaient un espace qui, pour les spectateurs des vaisseaux placés au milieu, allait presque se perdre aux deux bouts de l’horizon. Le pont, la dunette, les bastingages étaient couverts de soldats et d’officiers qui ne pouvaient se lasser d’admirer ce magnifique coup-d’œil. »

Voilà, certes, une fête dont le tableau ne manque pas de grandeur. Il semble une marine de Vernet ou de Gudin. — Passons et changeons les verres. M. Merle en a de toutes sortes, et ceux qu’il veut prendre, il les trouve sous sa main. Je vois des portraits tracés d’un pinceau ferme et exercé ; et celui du capitaine Mansell est un des plus vrais. — Non, je ne le transcrirai pas, je résiste à cette tentation pour que personne ne résiste à celle de lire ce curieux voyage. Ce mystérieux Mansell, pareil aux Wilson et aux Sydney-Smith qui se retrouve dix fois dans le livre, et qu’on trouvait partout à Alger, était un de ces hardis aventuriers comme l’Angleterre en jette sur toutes les côtes du monde, en sème