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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

tres conditions ; c’est le rapport de l’homme non plus avec l’homme seul, isolé, mais avec les hommes réunis, avec l’association, avec la société ; et c’est là le rapport le plus difficile à soutenir, le plus important à étudier ; problème qui s’agite et se développe depuis l’origine du monde. Ne considérez l’homme que vis-à-vis de la nature ; la dictature est incontestable ; prenez l’homme seulement en contact avec l’homme ; le catéchisme de la propriété sera court ; on stipulera des garanties et des droits réciproques, et tout aboutira à des convenances et à des débats de voisinage. Mais que l’individu soutienne un rapport vis-à-vis des masses, seul en face de tous, c’est sur ce point que s’est porté l’effort des révolutions et des théories.

Un homme possède et se dit propriétaire : la société reconnaîtra d’abord et respectera le fait de la possession. Mais s’y arrêtera-t-elle ? Et de la possession concluera-t-elle au droit de propriété sans autre examen ? Non. Elle demandera à l’individu à quel titre il possède ; et alors, suivant la réponse, la société pourra porter trois jugemens différens. Ou elle reconnaîtra que le titre du propriétaire est complètement juste, et alors il y aura paix entre l’individualité et l’association. Ou tout en reconnaissant que l’individu détient et possède, qu’il a pour lui la consécration du temps, elle trouvera cependant que sa propriété pourrait être plus utile à l’association, si elle était réglée autrement, et alors elle intervient, ne pouvant se résoudre à rester impuissante à force de respecter le droit individuel. Ou enfin, malgré la possession constatée et certaine, la propriété de l’individu blesse tellement l’utilité générale, que la société arrive à nier le droit, l’efface, et anéantit une individualité qui lui est hostile et funeste.

La théorie de la propriété consiste tout entière dans le rapport de l’homme avec la société. Si on s’enfermait dans les droits exclusifs de l’individu, le problème serait facile ; car une fois le droit personnel établi, les conséquences s’en déduiraient logiquement ; et la déduction ne rencontrant pas