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LITTÉRATURE.

le feu, plongée dans une duchesse de velours jaune, meuble antique, aussi favorable aux affligés qu’aux gens heureux. Elle pleura, elle soupira, elle pensa ; puis, elle prit une petite table, chercha du papier, et se mit à écrire.

Les heures passèrent vite, car cette confidence paraissait coûter beaucoup à la comtesse, et chaque phrase amenait des torrens de pensée, de longues rêveries.

Tout à coup la jeune femme s’arrêta, fondit en larmes, et en ce moment toutes les horloges sonnèrent deux heures. Sa jeune tête, aussi lourde que celle d’une mourante, s’inclina sur son sein ; mais quand elle la releva, elle vit devant elle sa vieille tante, qui ressemblait à un personnage détaché soudain de la tapisserie dont les murs étaient garnis.

— Qu’avez-vous donc, ma petite ? dit la marquise ; pourquoi veiller si tard, et surtout pourquoi pleurer à votre âge, et toute seule ?…

Elle s’assit sans autre cérémonie, dévorant la lettre des yeux.

— Vous écriviez à votre mari ?…

— Sais-je où il est !… reprit la comtesse.

La tante prit le papier, et le lut. Elle avait apporté ses lunettes. Il y avait préméditation. L’innocente créature lui laissa prendre sa lettre sans faire la moindre observation. Ce n’était pas un défaut de dignité ou quelque sentiment de culpabilité secrète qui lui ôtait ainsi toute énergie ; non, sa tante se rencontra là dans un de ces momens de crise où l’âme est sans ressort.

Comme une jeune fille vertueuse qui accable un amant de dédains, mais qui, le soir, se trouve si triste, si abandonnée, qu’elle le désire et veut un cœur, un asile où déposer ses douleurs, Julie laissa violer sans mot dire le cachet que la délicatesse imprime à une lettre même ouverte.

Elle resta pensive pendant que la marquise lisait.

« Oh, ma Louisa, pourquoi me réclamer tant de fois l’accomplissement de la plus imprudente promesse que puissent