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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

à sa possession ne peuvent rester obligatoires. De là cette maxime, que le bail expire au décès du bailleur ; maxime qui depuis longues années a force de loi en Espagne. Il résulte de là que les baux sont rarement acceptés pour une période de plus de quatre ans ; encore ces courts engagemens ne présentent-ils aucune sûreté, car la mort possible du bailleur laisse toujours en question la jouissance du fermier, ou du moins lui impose la nécessité d’entrer plus tard en accommodement avec le nouveau propriétaire. Il faut donc s’étonner, sous un pareil régime, non que l’agriculture reste dans l’enfance, mais qu’une portion du sol soit encore cultivée. À tant de motifs de découragement ajoutez le caractère oppressif de l’administration, l’impuissance des lois, l’inquiétude qui en est la conséquence et le fardeau écrasant des impôts. L’intérêt public, dit Jovellanos, exige que les possédant-fiefs aient le pouvoir de consentir des baux à longs termes et même des baux emphytéotiques. C’est le premier remède à appliquer, le seul qui puisse enrichir le sol, stimuler l’industrie et ouvrir carrière aux améliorations. La substitution perpétuelle n’est pas à la vérité compatible avec un contrat qui présuppose une aliénation possible ; mais je ne vois que profit à autoriser des aliénations limitées et temporaires, qui, en conservant dans la famille la propriété substituée, lui assureront un plus ample revenu, et en garantiront le paiement par la responsabilité du capitaliste obligé par le contrat.

Enfin, les majorats ne sont pas moins funestes aux mœurs et au caractère de la nation qu’à la prospérité du pays ; ils encouragent l’oisiveté, vice national de l’Espagne, cause première de la dépravation et de la stupidité qui caractérisent les classes élevées. Le fils qui doit succéder à son père, le frère ou le neveu qui attendent la succession d’un frère ou d’un oncle sont peu disposés à conquérir une noble indépendance par leur mérite ou leurs efforts personnels. Leurs jours s’écoulent dans l’indolence : ils contractent des dettes sans avoir l’intention de les payer, cherchent un refuge contre l’ennui dans une dégradante dissolution, et, quand la décrépitude