amène l’imbécilité, ils tombent entre les mains d’un prêtre auquel ils servent d’instrument, et dans les momeries d’une religion corrompue dont ils deviennent les esclaves.
Le système des majorats tend donc à introduire au moins un sot dans chaque famille ; or, quand on considère que ce sot est investi par la loi de la totalité de la fortune, et qu’à la mort de leur père, ses frères et sœurs sont jetés dans le monde sans moyens suffisans d’existence, n’est-il pas évident qu’un pareil système est destructif de tout bien-être particulier et de toute prospérité générale ? Le fils aîné, aux yeux des branches cadettes, n’est qu’un spoliateur, un être malfaisant, un objet d’envie, sinon de haine ; ou si quelques restes d’affection survivent à l’iniquité de la loi, la cruelle nécessité d’une position sans ressources ne tarde pas à la détruire. Sous tous les points de vue, l’institution des majorats n’a donc produit que de pernicieux effets : elle a ruiné des familles qu’elle était destinée à perpétuer, anéanti l’agriculture dans une contrée fertile jusqu’à la profusion, favorisé l’indolence, vice national du pays ; étouffé tous les sentimens affectueux qui honorent notre nature et qui constituent le bonheur de famille, sauve-garde de la société.
Un autre fléau de l’Espagne est la Mesta. C’est ainsi qu’on appelle une compagnie possédant de nombreux troupeaux de moutons errans, avec des priviléges exclusifs, désastreux pour l’agriculture. La Mesta doit son origine à l’alliance que firent en 1556 les habitans des montagnes avec ceux des vallées, dans le but de mettre leurs troupeaux sous la protection des lois. Mais par suite, à force de sollicitations et d’empiétemens progressifs, elle parvint non-seulement à envahir presque toutes les prairies du royaume, mais à convertir les meilleures terres en pâturages. Ainsi elle ruinait à la fois le bétail du pays, l’agriculture et la population. Cette monstrueuse association se compose de nobles, de gens en place, de membres du clergé, possesseurs de riches monastères, qui, en vertu de ces usurpations, font paître leurs troupeaux presque sans frais sur tous les pâturages du pays.