fait classique ; poète à toutes unités, poète avec des passions toutes grecques, des vengeances toutes grecques, un dénouement doublement grec, car il y a poison et poignard ; c’est à la fois du roman et de l’histoire. Charles vii et son amie Agnès, voilà pour l’histoire ; Bérengère, comtesse de Savoisy, et le Sarrasin Yaquoub, voilà pour le roman. Yaquoub aime Bérengère ; Bérengère est condamnée au divorce par son mari, le comte de Savoisy ; Charles vii, roi voluptueux, quitte Agnès et va se battre ; Bérengère, femme offensée, promet son amour à Yaquoub, à condition que le Sarrasin tuera Savoisy ; le comte de Savoisy est tué par Yaquoub, la comtesse s’empoisonne sur le corps de son mari, le Sarrasin retourne dans ses déserts : voilà toute la pièce. Elle est double. Tout ce qui est histoire est admirable. Nous avons remarqué des choses de la plus grande beauté. Nous sommes heureux de pouvoir faire quelques citations.
Voici par exemple une très belle scène et très spirituellement écrite, entre le roi Charles vii et le comte de Savoisy :
À nous deux maintenant. — C’est franche félonie
D’avoir bâti si haut votre châtellenie,
Comte de Savoisy, qu’il la faille chercher,
Comme le nid d’un aigle, au faîte d’un rocher ;
Si bien que votre roi, s’il veut venir lui-même
Visiter par hasard un vieil ami qu’il aime,
Obligé de gravir à pied jusqu’à ce lieu,
Risque à perdre vingt fois son âme en jurant Dieu…
Et je vous dis cela sans ajouter, mon maître,
Que si, comme Jean six, vous nous deveniez traître,
Vos murs sont de hauteur et de force, je croi,
À donner pour long-temps besogne aux gens du roi.
Notre sire a raison ; mais cette citadelle,
Si forte qu’elle soit, est encor plus fidèle.
Mon vieux comte, combien m’ont parlé comme toi,
Qui depuis cependant ont parjuré leur foi !