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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

qu’ont été guidés ses premiers pas ; il n’aura à regretter ni les palais de Lisbonne, ni les fruits savoureux du Douro. Né en Amérique, il ne partagera aucun des préjugés des Européens contre sa belle patrie, il aura tous ceux des Brésiliens contre l’Europe : telle est la loi commune. En même temps, au nom du jeune Pedro, se rattachent les plus beaux souvenirs. Dans ses veines coule le sang de ces rois dont la gloire aventureuse a eu plus d’influence sur les destins du monde, que celle des plus illustres souverains de l’Angleterre et de la France, de ces rois sous les auspices desquels furent découvertes la route de l’Inde et la terre du Brésil. Seul parmi les Brésiliens, cet enfant rattache le présent au passé ; et, tout entier à sa patrie, il pourra cependant former un heureux lien entre elle et le Nouveau-Monde. Qu’autour du jeune Pedro se groupent donc les Brésiliens qui attachent quelque honneur au nom de leur patrie, ceux qui aiment sincèrement la liberté, et ne veulent point se la voir ravir par une foule de tyrans cupides et abjects.

Mais, demandera-t-on peut-être, si les habitans du Brésil se laissaient séduire par les déclamations d’ambitieux hypocrites, s’ils éloignaient le jeune prince né au milieu d’eux, qu’arriverait-il alors ? Nous avons vécu parmi les Brésiliens ; les liens de la sympathie et ceux de la reconnaissance nous attachent à eux ; nous aimons le Brésil presque à l’égal de notre pays : qu’on n’exige pas de nous que nous cherchions à pénétrer un avenir qui se présenterait sous les plus sombres couleurs… Ce n’est pas seulement le Brésil que nous avons habité : nous avons aussi vu les bords de la Plata et ceux de l’Uruguay. C’était naguère une des plus belles contrées de l’Amérique méridionale. Ses habitans voulurent se fédérer et commencèrent par se désunir ; chaque village, chaque hameau, prétendit faire sa patrie à part[1] ; d’ignobles chefs s’armèrent de tous côtés ; la population fut dispersée

  1. Expression consacrée dans le pays même.