mal désireux de connaître les faits. Au surplus, la Corse avait frappé son imagination par l’héroïque insurrection qui l’avait affranchie des Génois : « Il est encore en Europe un pays capable de législation, c’est l’île de Corse, écrit-il dans le Contrat social[1]. La valeur et la constance avec laquelle ce brave peuple a su secourir et défendre sa liberté, mériterait bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J’ai quelque pressentiment qu’un jour cette petite île étonnera l’Europe. » En 1772, dans la même année où fut signé, à Saint-Pétersbourg, le 25 juillet, en vieux style, le partage de la Pologne, Rousseau écrivait sur le gouvernement et la réformation de ce pays pour lequel aujourd’hui la bouche manque de louanges et les yeux n’ont plus de larmes. Pressé par le comte de Wielhorski d’indiquer les moyens et les institutions qui pouvaient donner aux Polonais les véritables mœurs de la liberté, il leur recommande de garder dans le cœur l’amour de l’indépendance et de leur république au milieu des plus accablantes disgrâces. « Vous ne sauriez empêcher que les Russes ne vous engloutissent, faites au moins qu’ils ne puissent vous digérer… Si vous faites en sorte qu’un Polonais ne puisse jamais devenir un Russe, je vous réponds que la Russie ne subjuguera pas la Pologne. » L’éducation, une éducation nationale lui paraît le plus puissant moyen de développer chez les Polonais ce levain qui n’est pas encore éventé par des maximes corrompues, par des institutions usées, par une philosophie égoïste qui prêche et qui tue. Il indique ensuite comment on peut maintenir la constitution ; il voudrait que tous les membres du gouvernement fussent assujétis, dans leur carrière, à une marche graduelle. Après avoir montré les réformes à tenter, il s’exprime ainsi : « Ce n’est qu’en supposant que le succès réponde au courage des confédérés et à la justice de leur cause, qu’on peut songer à l’entreprise dont il s’agit. Vous ne serez jamais libres tant qu’il restera un seul soldat
- ↑ Liv. ier, chap. 10.