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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/401

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L’IDOLE.

J’ai vu l’homme du Nord, à la lèvre farouche,
Jusqu’au sang nous meurtrir la chair ;
Nous manger notre pain, et jusque dans la bouche
S’en venir respirer notre air ;
J’ai vu, jeune Français, ignobles libertines,
Nos femmes, belles d’impudeur,
Aux regards d’un cosaque étaler leurs poitrines,
Et s’enivrer de son odeur.
Eh bien ! dans ces jours d’abaissement, de peine,
Pour tous ces outrages sans nom,
Je n’ai jamais chargé qu’un être de ma haine…
Soit maudit, ô Napoléon !

Ô Corse ! à cheveux plats, que la France était belle
Au beau soleil de messidor !
C’était une cavale indomptable et rebelle,
Sans frein d’acier ni rênes d’or,
Une jument sauvage à la croupe rustique,
Fumante encore du sang des rois ;
Mais fière, et d’un pied libre heurtant le sol antique,
Libre pour la première fois :
Jamais aucune main n’avait passé sur elle
Pour la flétrir et l’outrager,
Jamais ses larges flancs n’avaient porté la selle
Et le harnois de l’étranger ;
Tout son poil était vierge, et belle vagabonde,
L’œil haut, la croupe en mouvement,
Sur ses jarrets dressée elle effrayait le monde
Du bruit de son hennissement.
Tu parus, et sitôt que tu vis son allure,
Ses reins si souples et dispos,
Centaure impétueux, tu pris sa chevelure,
Tu montas botté sur son dos.
Alors, comme elle aimait les rumeurs de la guerre,
La poudre et les tambours battans,
Pour champs de course, alors, tu lui donnas la terre,
Et des combats pour passe-temps ;
Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes,
Toujours l’air, toujours le travail,