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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/402

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LITTÉRATURE.

Toujours comme du sable écraser des corps d’hommes,
Toujours du sang jusqu’au poitrail ;
Quinze ans, son dur sabot dans sa course rapide,
Broya des générations ;
Quinze ans, elle passa, fumante à toute bride,
Sur le ventre des nations.
Enfin, lasse d’aller sans finir sa carrière,
D’aller sans user son chemin,
De pétrir l’univers, et, comme une poussière,
De soulever le genre humain ;
Les jarrets épuisés, haletante et sans force,
Prête à fléchir à chaque pas,
Elle demanda grâce à son cavalier corse.
Mais, bourreau, tu n’écoutas pas !
Tu la pressas plus fort de ta cuisse nerveuse.
Pour étouffer ses cris ardents,
Tu retournas le mors dans sa bouche baveuse,
De fureur tu brisas ses dents,
Elle se releva ; mais un jour de bataille,
Ne pouvant plus mordre ses freins,
Mourante, elle tomba sur un lit de mitraille ;
Et du coup te cassa les reins.

Maintenant tu renais de ta chute profonde ;
Pareil à l’aigle radieux,
Tu reprends ton essor pour dominer le monde,
Ton image remonte aux cieux.
Napoléon n’est plus ce voleur de couronne,
Cet usurpateur effronté,
Qui serra sans pitié, sous les coussins du trône
La gorge de la liberté ;
Ce triste et vieux forçat de la Sainte-Alliance
Qui mourut sur un noir rocher,
Traînant comme un boulet l’image de la France
Sous le bâton de l’étranger.
Non, non, Napoléon, n’est plus souillé de fanges,
Grâce aux flatteurs mélodieux,
Aux poètes menteurs, aux sonneurs de louanges,
César est mis au rang des dieux.