Cependant un faible espoir me restait encore. Le mandadero s’était mis en marche. Je le suivais, soutenant Guzman qui, gêné par ses fers, n’avançait qu’à grand’peine. — Tout allait pourtant se décider ! Nous étions entrés dans un long et étroit corridor. — Au bout de ce corridor, si le mandadero tournait à gauche, Guzman était sauvé. On le conduisait alors à la sala de declaraciones[1] : il n’y avait pas sentence de mort ; il y avait tout au plus condamnation à quelques années de presidio[2], peut-être acquittement complet ! — Si le mandadero tournait à droite, l’accusé était perdu, on le menait à la capilla.
Ce fut un terrible et cruel trajet que celui de ce corridor. Arrivé à son extrémité, le mandadero s’arrêta pour nous attendre, car nous nous trouvions en arrière. Dès que nous l’eûmes rejoint, il tourna à droite. — C’en était fait, il marchait à la capilla.
Le jeune homme se traînait en s’appuyant sur moi. À ce moment, je sentis un rapide frisson parcourir tout son corps. Une sueur froide couvrit mon front. — Cette première transe passée, je ne sais si nous ne souffrîmes pas moins l’un et l’autre ; — je ne sais si l’inexorable certitude de la mort ne valait pas mieux pour le malheureux que les atroces anxiétés de la route tout le long de ce fatal corridor.
Nous étions arrivés à la porte de la capilla. Cette porte était ouverte. Le mandadero s’arrêta sur le seuil, et ordonna à Guzman de s’y arrêter aussi. Il y eut là une pause de plusieurs minutes.
Il était aisé de voir qu’on avait attendu Guzman à la capilla. Tous les préparatifs nécessaires pour l’y recevoir avaient été faits déjà par les membres de la confrérie de paz y caridad de service ce jour-là. — Cette confrérie est une pieuse association qui assiste, de tout son pouvoir, les condamnés à mort, depuis leur entrée en capilla, jusqu’à leur dernier moment, et même ensevelit les corps après l’exécution. Le jeune homme trouva, à leur