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LA HORCA.

condamné à mort ait à occuper sur la terre. Une fois qu’il aura franchi le seuil de cette fatale habitation, il ne le repassera plus qu’une fois encore, — pour marcher au supplice. — Mais avant ce supplice qui est là, sa seule perspective, que d’autres supplices pour lui à subir ! Il lui faut vivre là deux jours ! — Deux jours, quarante-huit heures entre la vie et la mort, c’est bien peu ! — Mais, dans chacune de ces heures, combien d’années, combien de siècles de souffrances et de tortures ? — Comptez et calculez, si vous en avez le courage ! — Cependant, peut-être, dans cette longue agonie préparatoire, y a-t-il pitié pour le patient ! Peut-être ne veut-on exténuer un homme, épuiser d’avance toutes ses forces et toutes ses douleurs, qu’afin de n’avoir à mener à l’échafaud qu’un cadavre. — Atroce et misérable combinaison ! — Et, d’ailleurs, ne faites-vous pas jouer là à votre religion un rôle indigne ? Ne la chargez-vous pas ainsi de donner la question ? Le prêtre, au lieu d’être l’homme de Dieu, au lieu de consoler, n’est-il pas l’homme — de l’homme ? Ne devient-il pas l’exécuteur préalable, une sorte de bourreau en première instance ? — Oh ! je ne sais ; je n’ose sonder cet abîme de misères. —

Quoi qu’il en soit, j’avais suivi Guzman dans la capilla. Cette chapelle ardente, ce sépulcre où l’on met un homme vivant, se compose de deux chambres fermées à tout rayon du jour. Dans la première se trouvent seulement un banc et une grande lanterne allumée, posée sur le parquet, à gauche en entrant. C’est là que se tiennent les membres de la confrérie qui ne sont point occupés auprès du patient. Dans la seconde chambre, petite et basse, formant un carré long de six pas, et large de quatre environ, à gauche, aussi en entrant, est un autel fort simple. Sur la toile blanche qui le garnit, sont posés un crucifix de bois et quatre cierges allumés ; quelques images de vierges sont accrochées au mur au-dessus. Vis-à-vis de l’autel il y a un lit très propre, puis deux chaises à côté. — Voilà le mobilier de l’appartement. — Rien n’y manque. La seconde chambre surtout, — la chambre à coucher — est presque comfortable ; mais il faut bien un lit à un homme qui a deux jours encore et deux nuits à vivre ? — Ah ! qu’il dorme s’il peut, le malheureux ! Qu’on le berce,