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LA HORCA.


V.
LE MARIAGE DANS LA CAPILLA.

Je me trouvais engagé plus avant que jamais dans ce terrible drame dont le hasard seul m’avait d’abord fait voir la première scène. J’allais maintenant y jouer moi-même un rôle !

Le mercredi, à onze heures du matin, j’étais à la capilla. — « Le jeune homme, me dit le frère Pedro, avait été fort agité toute la nuit, et l’était encore beaucoup ! il se trouvait même dans le plus ardent paroxisme de cette fièvre qui saisit tous les condamnés mis en capilla, le soir de la première journée, produisant en eux d’abord une violente excitation qui va toujours croissant jusque vers le milieu du second jour, et se calmant alors insensiblement, fait place à un grand abattement, puis à un affaiblissement graduel qui amène le matin du troisième jour un complet épuisement de toutes les forces, une sorte d’anéantissement du corps. Cette fièvre, étudiée et constamment observée par les médecins des prisons, présente une invariable régularité dans sa marche et dans ses périodes. — On peut l’appeler la fièvre de la capilla ; c’est une fièvre qui ne dure que deux jours ; la mort la coupe le troisième.

J’entrai dans la seconde chambre de la capilla. L’autel était préparé déjà, et deux cierges de plus avaient été allumés pour la messe et la cérémonie.

Guzman, l’œil enflammé, le visage rouge et échauffé, était assis auprès du père Antonio qui lui parlait à voix basse. Distrait et agité, il semblait écouter à peine son confesseur. Dès qu’il m’aperçut, le jeune homme me fit un signe de tête et sur sa figure passa un triste sourire, un sourire d’une inexprimable douceur. — Ce sourire disait : je sais pourquoi vous venez ; merci ! Ce sourire était toute la reconnaissance qu’il me pouvait