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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/112

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REVUE DES DEUX MONDES.

témoigner ! Mais un sourire donné au milieu de pareilles douleurs, — c’était beaucoup !

Mariquita entra bientôt soutenue par le frère Pedro. La pauvre enfant me parut bien pâle. — C’est qu’elle avait dû beaucoup souffrir ! Peut-être était-ce aussi un peu l’effet de sa basquine et de sa mantille noires ? Mais pourquoi ces vêtemens de deuil ? — Pourquoi ! ne convenaient-ils donc pas à ce funèbre mariage ? À quoi bon d’ailleurs, pour un jour, la parure des fiancées ? — Certes, elle pouvait bien déjà porter sa robe de veuve !

Dès qu’elle eut aperçu son Pepe, elle se précipita à ses genoux, en sanglotant, les mains jointes ; puis, elle se mit à baiser ses pieds et les fers qui les enchaînaient. Le jeune homme l’avait relevée et attirée dans ses bras. Ils voulaient se parler, mais aucune parole ne pouvait traverser leurs sanglots ; ils n’avaient de force que pour se serrer, s’étreindre convulsivement. On les laissa s’embrasser ainsi et tout oublier durant quelques instans. Qui donc, ô mon Dieu ! eût trouvé le courage de le leur défendre, de les en empêcher ? Qui se fût jeté d’abord entre eux, ou les eût arrachés l’un à l’autre ? Il fallait bien respecter le premier épanchement de ces derniers adieux !

Cependant on était allé chercher le curé de la paroisse, le curé de Santa-Cruz, qui seul pouvait célébrer le mariage. Il ne tarda pas à arriver. Il venait sans appareil. Aucun autre prêtre ne l’accompagnait.

On sépara les deux amans. Ce ne fut pas chose facile, toutes leurs forces s’étaient rassemblées dans cette dernière étreinte ; mais il ne leur en resta plus dès qu’on l’eût rompue. On fit d’eux après ce qu’on voulut. On essuya leurs larmes, on les mit à genoux devant l’autel, l’un près de l’autre. Ils se prêtèrent à tout passivement, sans résistance, comme des enfans. Nous nous agenouillâmes tous aussi, le frère Pedro, un autre frère et moi, adossés au lit derrière Jose et Mariquita, auxquels nous servions tous trois de témoins ; le père Antonio à la droite du jeune homme.

Le curé commença à dire la messe que servit un des frères. La voix du prêtre était tremblante. On sentait bien que c’était