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sion cédaient le haut du pavé pour éviter ces sortes de rencontres.

Ce fut donc une véritable bonne fortune pour les gens d’armes du connétable que l’exécution dont les avait chargés leur maître, de sorte que, lorsque Perrinet roula à leurs pieds, ils se jetèrent tous deux sur lui, si bien qu’en revenant de son étourdissement, il se trouva nu jusqu’à la ceinture, les poings liés en croix au-dessus de sa tête, et attachés à une branche d’arbre, de manière à ce que la pointe de ses pieds seulement touchât la terre ; puis les soldats détachèrent leurs épées du ceinturon, posèrent les lames sur le gazon, et avec le fourreau élastique et pliant, ils commencèrent à frapper, en alternant avec autant de flegme et de régularité que les bergers de Virgile.

Le troisième soldat s’était approché et comptait les coups.

Les premiers résonnèrent sur ce corps ferme et blanc sans qu’ils parussent produire aucune impression sur celui qui les recevait, quoiqu’à la lueur de la lune on pût distinguer les sillons bleuâtres qu’ils y traçaient ; bientôt chaque fourreau, en se pliant comme un cerceau sur le dos meurtri, enleva avec lui une lanière de chair. Insensiblement le bruit des coups changea de nature : d’aigu et sifflant qu’il était d’abord, il devint sourd et mat, comme s’ils tombaient sur de la boue ; puis, vers la fin de l’exécution, les soldats furent obligés de ne plus frapper que d’une main, l’autre étant occupée à garantir leur visage de la rosée de sang et des parcelles de chair qui jaillissaient sous chaque volée.

Au vingt-cinquième coup, ils s’arrêtèrent, religieux observateurs de leur consigne. Le condamné n’avait pas jeté un cri, pas proféré une plainte.

Alors, comme c’était fini, un des hommes d’armes reprit son épée, et la remit tranquillement dans le fourreau, tandis que l’autre, à l’aide de la sienne, coupait la corde entre la branche et les mains du patient.

Aussitôt que la corde fut coupée, Perrinet Leclerc, qui ne restait debout que soutenu par elle, tomba, mordit la terre et s’évanouit.