Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
REVUE. — CHRONIQUE.

ne soit consommé ! Fouché et Savary s’entendaient mieux que cela en conspirations ! et dans les rapports qu’ils ont signés, je ne lis nulle part rien d’aussi bouffon que l’affaire de Notre-Dame ! Six livres de poudre et dix livres de pain ! Quelles munitions ! Goichot en montrerait à M. Gisquet ! Si M. Gisquet entend ses intérêts, comme nous le souhaitons, ne pourrait-il pas demander aux tribunaux l’envoi d’une commission rogatoire dans les bureaux du Times ? à moins cependant que la cour n’exige ce qu’il a refusé une première fois, la communication des pièces.

Le procès des Amis du peuple est à coup sûr une des plus ridicules parodies qui se puissent imaginer. Ni la cour, ni le barreau, ni les accusés n’ont à se féliciter de leur conduite. M. Delapalme et M. Godard ont montré une colère qui ne sied jamais à la justice. Quand on sent à sa tempe sanglante ou sur sa poitrine meurtrie le pied d’un brigand, je conçois qu’on pousse des cris de rage ; mais en présence d’un ennemi impuissant et garotté, que signifie la colère ? La gravité paisible n’est-elle pas un des premiers devoirs imposés aux ministres et aux magistrats ? Y a-t-il rien de plus déplacé que les emportemens de M. Périer ?

MM. Raspail, Trélat, Blanqui et Bonnias espéraient peut-être meilleure fortune de leur éloquence. En menaçant le président de le tutoyer, ils comptaient peut-être le convertir à la république. Malgré l’acquittement du jury et la rédaction illégale de l’arrêt qui les condamne, autant pour les doctrines qu’ils ont professées que pour les insultes adressées au tribunal, on ne peut que les plaindre, mais non pas les absoudre. Où en serions-nous, bon Dieu ! s’il était permis au premier étourdi, qui rêve à sa manière l’application de Vertot et de Saint-Réal, de tancer les juges, de les traiter en camarades, de leur faire la leçon ?

Quinze mois de prison sont bien longs sans doute, mais quand on ne prétend à rien moins qu’à fonder un nouveau gouvernement, on joue sa tête, on le sait d’avance, et en pareil cas, la résipiscence ne saurait être faite trop à loisir. C’est un déplorable spectacle que des jeunes gens, appelés pour la plupart aux premiers rangs de la science et de la société, et préoccupés de je ne sais quelle vanité puérile, se montrant à la foule étonnée comme une famille de Brutus !

Aujourd’hui que le duel s’efface tous les jours de nos mœurs, et ne se conserve plus guère qu’à la chambre comme une tradition de régiment, on a lieu de s’étonner des provocations faites à M. Jules Janin pour son feuilleton de lundi dernier. Il avait dit ce qu’il pense de la comédie à couplets. Il avait versé sur les coupletiers tout le fiel de son dédain et de son ennui. Il était dans son droit, et tant qu’il ne touchait pas à l’honneur privé des cent soixante-huit personnes qui vivent à Paris sur les rimes boiteuses et le rhythme estropié du couplet, personne ne devait se croire offensé. Autrement, je ne vois pas pourquoi chacun des ministres qui gouvernent n’enverrait pas un cartel tous les matins aux journaux de l’opposition. On serait bientôt obligé de voter le traitement d’un maître d’armes attaché au président du conseil et à ses collègues.