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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/350

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REVUE DES DEUX MONDES.

tard, de la cause de sa jalousie. Il revint en ville, annonçant que sa maîtresse s’était enfuie ; mais des enfans découvrirent son corps quelques jours après ; on trouva aussi sur la montagne, et dans le même endroit, une boucle de diamans qui appartenait à l’assassin. Malgré tant de preuves à sa charge, le marquis ne fut condamné qu’a payer une modique somme d’argent à la mère de sa victime, qui était veuve. Il reparut dans le monde, et se maria quelques mois après. »

La frégate l’Independencia sortit de Valparaiso pour donner la chasse à un bâtiment américain, et arriva à Callao. Notre voyageur se rendit de cette ville à Lima, qui n’en est qu’à une petite distance.

« Le pavé de Lima est très mauvais et fait de larges pierres rondes placées sans aucune régularité, ce qui le rend très fatigant. Le palais des anciens vice-rois, qui occupe une des faces de la plaza major, est un grand et triste édifice. La cathédrale est belle, mais c’est le seul bâtiment digne de remarque. Les joailliers, et faiseurs d’épaulettes d’or, travaillent ordinairement en plein air, sous les arcades, et malgré le mauvais état des affaires, leur commerce ne semble pas s’être ralenti. Une grande fontaine s’élève au milieu de la place, et c’est son plus bel ornement, mais il est rare qu’on puisse la voir, étant toujours entourée d’aguateros et de mulets. Le nombre d’églises, de couvens et d’autres saints établissemens est réellement incroyable ; il n’y a pas de rue où on n’en rencontre, et cela donne à Lima, vu du port, un aspect magnifique, mais qui change à mesure qu’on en approche. Les marchés de Lima sont toujours bien approvisionnés, et l’amour des fleurs y conduit sans cesse les Limeñas. On en porte vendre en ville une telle profusion, que la plazuela a l’air d’un véritable jardin. Toutes les femmes de l’Amérique du Sud ont la passion des fleurs, et elles achètent souvent à un prix exorbitant celle qu’elles nomment clavel. Il n’est pas rare de les voir payer une seule fleur de ce genre 10 à 12 dollars, et même un doublon, si elle est d’une couleur rare, et tout cela pour la porter une soirée dans leurs cheveux. Presqu’aucune fleur du tropique n’a d’odeur ; pour y remédier, on