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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/371

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HENRY FIELDING.

mettre fin aux vols secrets, et pour une somme de 600 livres sterling, Fielding s’engagea, et réussit à détruire plusieurs bandes de fripons qui infestaient Londres et les environs.

Son corps épuisé ne put résister à ces derniers efforts. Il essaya vainement les eaux de Bath, et enfin les médecins lui conseillèrent de chercher un climat plus doux. Il obéit à leur avis, et partit pour Lisbonne. Au moment de quitter l’Angleterre, il écrivit d’une main défaillante les lignes qu’on va lire :

« Aujourd’hui, mercredi 24 juin 1754, le soleil le plus triste que j’aie jamais vu s’est levé, et m’a trouvé éveillé dans ma maison à Fordhook ; à la clarté de ce soleil, j’allais, pensais-je, voir pour la dernière fois, en leur disant un dernier adieu, ces objets chéris pour lesquels je me sentais la tendresse d’une mère. Je n’étais nullement endurci par la doctrine de l’école philosophique, qui m’avait appris à supporter la douleur et à mépriser la mort. Dans cette situation, ne pouvant vaincre la nature, je m’abandonnai entièrement à elle, et elle me rendit aussi complètement sa dupe qu’a jamais pu l’être la femme la plus faible. Sous le prétexte de me permettre de jouir encore une fois, elle m’amena à chercher pendant huit heures la société de mes petits-enfans ; et, sans aucun doute, j’ai plus souffert dans ce court intervalle que dans toute ma maladie. À midi précis, je fus avertis que la voiture m’attendait ; aussitôt j’embrassai mes enfans l’un après l’autre, et je montai dans le carrosse avec un peu de résolution ; ma femme, qui se conduisit véritablement comme une héroïne et comme un philosophe, quoiqu’elle soit en même temps la mère la plus tendre, me suivit, ainsi que sa fille aînée ; quelques amis m’accompagnèrent, d’autres prirent congé de moi, et j’entendis faire sur ma fermeté un concert d’éloges auquel je savais bien n’avoir aucun droit. »

Nous voyons, dans ce dernier passage, que Fielding s’était remarié. Mais aucun de ses biographes ne fait mention de ce second mariage, et nous n’avons pu réussir à trouver un seul détail qui s’y rapporte. Miss Craddock était morte avant que la première page de Tom Jones fût écrite. Il est probable que la seconde femme de Fielding n’eut pas une grande influence sur