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RÉVOLUTIONS
DE
LA QUINZAINE.


31 janvier 1832.


Je ne sais pas vraiment si l’avenir nous réserve un historien qui puisse élever un monument comparable aux Annales. Il est bien entendu que je ne veux parler ni du consulat ni de l’empire, car où trouver dans Xénophon ou dans Thucydide, dans Tite-Live ou dans Tacite, une plus grande et plus majestueuse figure que le général qui débuta par la campagne de l’Adige, et qui finit par la journée désastreuse de Waterloo ? Mais pour ceux qui, à tort ou à raison, cherchent dans les évènemens une succession logique, un développement progressif et régulier, un enchaînement dramatique et animé, c’est-à-dire l’évolution fatale et nécessaire de la cause à l’effet, ce doit être à coup sûr une douleur sérieuse de voir des esprits éminens et dévoués, au moins il faut le croire, à de sincères convictions, épuisant le meilleur de leur force à ralentir le flot qui doit les emporter, et se faire un lit de leurs ossemens.

Qu’est-ce en effet que le spectacle de la France et de l’Europe, que signifient les cinquante-cinq protocoles du Foreign-Office, à quoi servent les milliers de paroles échangées entre lord Palmerston, M. de Lieven et M. Talleyrand ? Faudra-t-il dire des plénipotentiaires de Londres ce que Cicéron disait des aruspices, ce qu’on pensait peut-être à Memphis des hiérophantes ? Ne peuvent-ils se regarder sans rire de mépris ou de pitié, pour eux ou pour nous, qu’importe ? Est-ce un jeu dont nous payons la mise, où les parieurs seuls risquent leur en-