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jeu, où la main qui tient les cartes ne risque rien ? Ou bien la conférence mérite-t-elle seulement d’être comparée au jeu de Philidor ? On parle de parties engagées entre Édimbourg et Paris, qui ont duré plusieurs années, où la marche d’un fou, d’un cavalier, d’une tour ou d’un roi, a prolongé le combat presque aussi long-temps que le système de Copernic, de Newton ou de Fresnel ; mais jusqu’à présent la conférence n’est pas en reste, et défie toute comparaison.

Les habiles, comme ils se nomment entre eux, n’ont-ils cotisé leur génie que pour arrêter l’histoire qui veut à toute force se continuer et se poursuivre ? La consultation de ces grands docteurs se propose-t-elle autre chose que d’imposer au malade une diète d’épuisement, pour prévenir plus sûrement le retour de sa folie ?

Toutes ces questions, je l’espère, seront bientôt résolues. Mais dans le cas où le renouvellement ne pourrait pas s’échanger contre une quittance je suis encore à deviner qui l’on chargera du rôle d’huissier. Est-ce Guillaume d’Angleterre qui signifiera à Guillaume de Hollande le protêt européen ? ou bien continuera-t-on encore de lui donner du temps ? En sera-t-il de l’ultimatum du 31 janvier comme celui du 8 août, pour les affaires de la Grèce, et réserve-t-on au préfet anglais le sort du préfet russe ? Faudra-t-il mettre dans la balance la tête de Léopold, après celle de Capo-d’Istrias ?

Quoi qu’il arrive, c’est aujourd’hui une rude besogne de vouloir écrire l’histoire du temps, jour par jour, comme faisait Pierre l’Estoile. Nous n’avons pas, comme lui, la ressource des procès de magie et sorcellerie ; il n’y a plus guère aujourd’hui qu’une superstition qui demeure entière et debout, celle de l’incrédulité. Or, les choses qui se préparent, ne promettent pas de s’achever sitôt, grâce aux conseillers officieux qui ajournent jusqu’aux répétitions de la pièce.

En attendant que la toile se lève, et que nous puissions juger le drame, scène par scène, acte par acte, et critiquer à loisir le plan, la fable et les détails, sauf à chercher ensuite sur qui doit porter la responsabilité de l’œuvre, notre pensée ne peut s’en prendre qu’au talent des acteurs, pour en estimer la valeur et la portée, aux querelles des coulisses et du foyer, pour en rire, et nous en amuser. Si quelque fée bienfaisante pouvait nous transporter à la fois et dans le même instant à Saint-Pétersbourg, à Vienne et à Londres ; si nous pouvions, à la même heure, écouter ce qui se raconte chez le comte de Nesselrode, le prince de Metternich et lord Grey, notre feuilleton, à coup sûr, aurait un bien autre intérêt ; mais que voulez-vous ? la chose est impossible, et la plus active correspondance ne saurait y suppléer. Il faut donc rester chez nous, et puisque la Gazette impériale, la Gazette d’Augsbourg et le Courier mentent à qui mieux mieux, et ne livrent pas les secrets de leurs patrons, puisque toutes leurs belles paroles ne contiennent pas le secret de la comédie il faut nous en tenir à la France.

Nous avons à enregistrer la fin d’un scandaleux procès, l’instruction de deux procès nouveaux qui, à défaut de scandale, ont le mérite de la folie, et deux