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disait de la conduite d’un homme d’état : C’est plus qu’un crime, c’est une faute !

Les griefs qu’on allègue ne soutiendront pas dix minutes l’assaut de la discussion. Comment M. Persil ose-t-il invoquer contre les prédicateurs de la salle Taitbout un article du code qu’il a sciemment laissé tomber en désuétude ! Céderait-il d’aventure à quelques rancunes personnelles ? Obéirait-il au souvenir des critiques sévères qu’il a subies de la part du Globe à différentes reprises, ou faudrait-il expliquer sa conduite par une colère venue de plus haut ? S’agirait-il de punir dans les personnes de MM. Enfantin et Olinde Rodrigues l’analyse du budget par M. Pereire ? Nous refusons de le croire, et cependant, quant à présent, il ne se présente guère d’autre explication.

Que si le gouvernement trouvait dans l’enseignement saint-simonien de réels dangers pour la société, ne pouvait-il aviser à d’autres moyens pour prévenir le mal ? Était-il donc si difficile d’opposer la discussion à la discussion, la réfutation au dogme ? À quoi bon prodiguer dans une affaire de logique les escadrons de la garde municipale, qui ne doivent protéger que les feux d’artifice et le bœuf gras ?

Mais M. Persil a mieux aimé faire parader la cavalerie rue Monsigny, et M. Gisquet, par un échange naturel de politesse, ne pouvait refuser son armée à celui qui avait bien voulu se charger de sa conspiration des tours Notre-Dame. Le procès et la conspiration auront même destinée.

Quant à la saisie du National, c’est de la part du pouvoir une incroyable préoccupation. L’article de M. Armand Carrel avait nettement posé et résolu la question du flagrant délit en matière de presse et de publication. Avec la chaleur et l’énergie qu’on lui connaît, il avait montré les conséquences d’une légalité prétendue poussée à ses dernières limites. Il avait rappelé le flagrant délit du 26 juillet 1830, le lendemain des ordonnances ; il établissait d’une façon victorieuse que la presse ne pourrait sans folie provoquer à la rébellion sans la certitude du succès ; que dans le cas de provocation, l’intérêt même du journaliste s’oppose à ce qu’il se dérobe aux poursuites judiciaires ; qu’il est toujours là pour répondre de sa parole, pour l’expliquer et la défendre, pour la soutenir et la compléter. Jusque-là tout était bien, et la plus habile procédure ne pouvant trouver un appel au désordre dans une série de raisonnemens qui ne voulait établir que le respect de la loi et la nécessité de la résistance dans le cas où la loi viendrait à être violée dans la personne de l’écrivain. On peut blâmer ou approuver à son gré la conclusion de l’article. On peut trouver hardi ou maladroit le duel que M. Armand Carrel propose au pouvoir et à ses agens. Mais cette question ne relève pas du tribunal. On sait que le rédacteur en chef du National est un homme de cœur et de courage, capable de tout ce qu’il promet. Toute sa vie en fait foi.

Mais de la part de M. Persil, il n’y a certes aucun courage à lancer contre le National un mandat de saisie et de comparution, c’est tout simplement une maladresse.

Que le gouvernement repousse les attaques, et les censures de la presse avec