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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/410

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REVUE DES DEUX MONDES.

au mérite et à l’intérêt d’un tableau ou d’une statue ; et les esprits sérieux, qui ont bien voulu suivre tous les accidens de la question, reconnaissent enfin qu’à différentes conditions, les États de Blois, Mallet et les Espagnols en Danemark, trois sortes de réalité, diversement poétisées, mais plus réelles que vraies, ne satisfont pas à toutes les exigences de la poésie dramatique. En attribuant à MM. Vitet, Dittmer et Mérimée, la part de talent dont ils ont fait preuve, il reste prouvé que les ingénieuses restitutions de l’histoire de la ligue, le dialogue vif et pressé des généraux de l’empire, les mouvemens énergiques et passionnés de Juan Diaz et de mademoiselle Leblanc, ne remplissent pas le cadre du théâtre.

M. Vitet, selon toute probabilité, ne dépassera jamais la tâche dont Mazois lui avait donné l’exemple. Quant à MM. Dittmer et Mérimée, s’ils venaient à poursuivre une plus haute vocation, ils se hâteraient de changer de méthode. Ils comprendraient bien vite la nécessité, l’un de l’unité logique et pittoresque, et l’autre du développement.

Après ces brèves considérations, il ne nous reste plus rien à dire de M. Henry Martin, sinon que sa Vieille Fronde, sous le double rapport de l’érudition et de l’exécution des détails, est très inférieure aux Barricades, la plus faible des compositions de M. Vitet. C’est tout simplement un anachronisme, et la critique n’a pas à s’en occuper.



LES MALHEURS DU PAUVRE.[1]

Ce petit poème, ou plutôt ce recueil de quelques élégies nous vient de province. La bienfaisance des dames d’Angers s’étant émue pour les misères de la classe souffrante, et chacune ayant voulu contribuer à ce soulagement par un don, madame Janvier, femme du célèbre avocat de ce nom, et auteur d’un rare et délicieux recueil, qui parut presque incognito, il y a deux ans, sous le titre de Poésies d’une femme, a payé sa dette avec son talent. Le choix de la plupart des sujets est emprunté aux douleurs mêmes dont elle a l’âme préoccupée. Une réalité simple, un élan naïf et entraînant, beaucoup de liberté, d’abandon et de verve qui s’épanche, des couleurs toujours faciles, toujours observées, parfois des beautés d’instinct saisissantes, comme ce trait qui est sublime, pour peindre l’excès de l’angoisse d’une mère affamée,

Elle doutait de Dieu, son enfant dans ses bras ;
  1. Chez Denain, rue Vivienne, no 16.