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VOYAGE DE DÉCOUVERTES.

pour deux hommes. On y compte toujours au moins une cinquantaine de mulâtres qui restent là pour les acheter. Ils les expédient pour Angola ou Benguela, en troupes plus ou moins nombreuses, sous la conduite de pombeiros accompagnés d’une escorte de quelques nègres, qui se recrutent en chemin. On a vu des bandes de ces malheureux se révolter contre ceux qui les menaient, et recouvrer leur liberté.

Quoique les cases des mulâtres soient assez éloignées les unes des autres, le soba ne manque jamais d’aller presque tous les jours faire visite à ces marchands ; comme il perçoit un droit sur chaque tête esclave, il est bien aise de s’assurer par lui-même qu’on ne le fraude pas. Ses nobles ont aussi le plus grand soin de veiller à ce qu’on paie cet impôt, parce qu’il leur en revient une part considérable. Quiconque est surpris essayant de s’exempter du paiement de ce droit est condamné à donner la valeur de dix esclaves, payable sur-le-champ. Les marchands sont très unis entre eux : ils ne cherchent pas à se supplanter dans leurs achats ; ils se soutiennent mutuellement, et s’il s’élève quelque altercation entre eux et les habitans du Bihé, ils se réunissent pour en imposer à ceux-ci. L’un d’eux a le titre de capitaine du marché, et décide ordinairement les différends qui s’élèvent entre eux et le soba.

La manière dont les Bihens font la guerre tient à la nature du terrein. Comme on ne peut marcher qu’un à un, sur une seule ligne, dans les sentiers tortueux, les combats se livrent presque d’individu à individu. L’épaisseur des forêts et des herbes permet de se cacher en toute sûreté. Assez souvent les deux armées font simultanément cette manœuvre ; mais les attaques ordinaires, comme chez les autres nègres, se font par surprise et à la faveur de la nuit. Ils s’approchent pendant le jour d’une banza, en évitant soigneusement d’être aperçus, et au milieu des ténèbres ils escaladent les remparts et tombent à l’improviste sur l’ennemi. Ils parviennent toujours ainsi à saisir des femmes, des enfans et du bétail. Quand, en approchant des remparts, ils reconnaissent que les habitans sont sur leurs gardes, ils se préparent à livrer un assaut régulier ; ils entourent la