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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/444

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VOYAGE DE DÉCOUVERTES.

adroits à attaquer les peuples voisins, ils vont souvent enlever les femmes dans leurs villages, mais ils ne les gardent pas long-temps. Dès que le charme de la nouveauté est passé, ils les renvoient chez elles, où leurs maris, peu inquiets sur leur sort, attendent avec patience leur retour, et cherchent à se consoler de leur absence, en enlevant celles des villages voisins.

Le soba Cassondé, qui s’était montré très affable, m’invita pour le lendemain à la fête du Nanqui : c’est le dieu protecteur de sa peuplade. Il vint me chercher avec beaucoup de pompe, me conduisit devant le temple du dieu, et me fit asseoir à son côté. Mon interprète seul se plaça près de moi : tous mes porteurs restèrent assez éloignés. J’étais comme eux sans défiance.

La fête commença. Deux jeunes filles assez jolies, qui étaient les prêtresses du dieu, s’assirent devant la porte du temple. Le soba leur adressa la parole, et les somma de déclarer si mon arrivée dans le pays était de bon ou de mauvais augure, si je venais pour faire du bien ou du mal, si on devait me laisser aller en avant ou me sacrifier… Je vis tout de suite le danger de ma position. Mes porteurs le comprirent également : ils étaient déjà debout et voulurent pénétrer jusqu’à moi. Tout annonçait qu’il faudrait en venir aux mains. C’était le moment de montrer de la résolution, afin de prévenir une catastrophe. Je commandai à mes porteurs de se réunir et de garder le silence.

Les jeunes filles eurent assez long-temps l’air troublé : elles ne proféraient pas une seule parole ; enfin le calme reparut sur leur visage, elles déclarèrent que l’étranger était l’ami du dieu, et que tout le mal qu’on lui ferait retomberait sur son auteur. Tous les habitans des senzalas voisines étaient venus armés à cette fête, pour exécuter sur-le-champ l’ordre du dieu, car ils avaient supposé qu’il prononcerait la mort de l’étranger. Ils furent très mécontens de l’oracle, murmurèrent tout haut ; mais ils finirent par s’apaiser, en voyant que mes porteurs étaient disposés à lui opposer une défense vigoureuse. Un heureux hasard avait amené la veille une des prêtresses près de ma tente. Selon mon usage, je lui fis un cadeau, qui consistait en verroterie et une pièce de mouchoirs et quelques aunes de rubans : ce fut proba-