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choses, et qui a voulu trouver dans la législation primitive la règle de la législation du siècle, ait dogmatisé sur la légitimité, je le conçois encore. Mais voici venir un penseur indépendant, libéral, qui, au lieu de combattre cette chimère, l’adopte, la sanctionne, la développe, la raffine ; au lieu d’exterminer le paralogisme, il l’embrasse avec amour, et il travaille à en faire une vérité. Ici éclatent la bonne foi et l’aveuglement de M. Royer-Collard, car ce publiciste n’est pas homme à parler sans conviction ; la légitimité n’est pas pour lui une concession parlementaire, un passeport utile pour traverser des circonstances délicates ; la France dans son bon sens l’entendait ainsi ; mais M. Royer-Collard croyait fermement au dogme qu’il professait, il en parlait en prêtre convaincu. Vous allez voir, monsieur, combien l’erreur de cette honorable personne fut fertile en inconvéniens.

La légitimité dont la maison de Bourbon faisait son titre était précisément son écueil ; elle lui donnait à croire que la France lui devait tout, et qu’elle ne devait rien à la France : il fallait donc que les partisans éclairés de la vieille dynastie combattissent à toute heure cette chimère : la légitimité dans la mysticité de son dogme représentait la primauté du passé sur le présent, de la vieille constitution française sur la nouvelle ; elle était la condamnation de l’esprit nouveau, et par le défi insensé qu’elle lui porta, elle se mit elle-même dans la nécessité de l’exterminer ou de disparaître devant lui. Il échappa entièrement à M. Royer-Collard que rien n’était plus contraire à la nature des choses que le mariage métaphysique de la légitimité et de la liberté sur un pied complet d’égalité, et qu’achetât-il quelques momens de repos par cette illusion, les deux termes qu’il voulait amalgamer au titre d’un droit égal se retrouvaient bientôt ennemis et prêts à combattre. Il ne fallait pas se séparer de la révolution française, mais embrasser sa cause, la rendre de jour en jour plus pure et plus sainte, plus philosophique et plus positive ; il fallait comprendre que le principe à faire triompher était celui de la sociabilité même, de la supériorité de la société française elle-même sur tout gouvernement et sur toute dynastie ; la