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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/496

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UN TOUR DE MATELOT.

seulement pouvait être prévue, jetteront le découragement et la terreur dans quelques âmes, et grandiront l’héroïsme des cœurs forts. Au moment où le capitaine est descendu, le factionnaire a voulu l’empêcher de passer. Grivel l’a repoussé en détournant son fusil. Alors le feu a commencé. Le mousquet du soldat a donné le signal, et des canonnières on a répondu aussitôt par des fusillades successives. Ce n’est pas tout. On a vu du vaisseau amiral anglais déborder une chaloupe armée en guerre. Le tillac de la Vieille-Castille signale aux fugitifs ce nouveau péril : « Sauve qui peut, voilà une embarcation anglaise qui vient à bord ! » Les balles et plus encore cet avertissement ont effrayé des prisonniers qui n’étaient pas du complot, mais qui, voyant Grivel s’emparer du mulet, comme un homme maître de la fortune, se sont hasardés à le suivre. Ils se hâtent de remonter dans le vaisseau, d’où on leur tend la main, en pensant les sauver.

Cependant la garde, empêchée d’abord par les curieux, fait une décharge. Un matelot français est seul atteint. Francisque reçoit toutes les balles ; il semble qu’il ait été le but unique des Espagnols. Le hasard a bien servi les bourreaux. Francisque était au point de la voile que la brise secouait avec force ; il attendait qu’on vînt frapper l’écoute qui devait servir à la faire fonctionner convenablement. Percé de part en part, il tombe ; et la voile, livrée au caprice du vent, fouette l’air, bat avec violence, tourne autour du mât où elle n’a pu devenir adhérente par son milieu, parce qu’on n’a pas eu le temps de faire un rocambeau[1], mais se fixe un moment, quand Belleguy est parvenu à prendre le point que le malheureux Francisque n’a abandonné qu’avec la vie.

L’aspirant se livre bravement au danger dont la mort du matelot démontre assez clairement l’évidence. On le vise, on le manque. Un effort de l’est, qui souffle très frais, le soulève ; il lutte et cède, mais sans lâcher la voile. Il est enlevé, emporté

  1. Cercle de fer, de bois et de corde, ou seulement de corde. Celui du mulet était de corde et de bois. Le rocambeau retient la vergue au mât et la conduit quand on la hisse ou qu’on l’amène (descend).