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LE MESSAGE.

tillé, et finit en me laissant le champ libre. Nous revînmes sur nos pas.

En ce moment, la cloche annonça le dîner ; je fus invité à le partager ; et comme nous étions graves et silencieux, Juliette nous examina furtivement.

Étrangement surprise en voyant son mari prendre un prétexte frivole pour nous procurer un tête-à-tête, elle s’arrêta en me lançant un de ces coups d’œil qu’il n’est donné qu’aux femmes de jeter. Il y avait dans son regard toute la curiosité permise à une femme qui voit un étranger tombé chez elle, comme des nues ; il y avait toutes les interrogations que méritaient ma mise, ma jeunesse et ma physionomie, contrastes singuliers ! puis tout le dédain d’une maîtresse idolâtrée, aux yeux de qui les hommes ne sont rien, hormis un seul ; il y avait des craintes involontaires, de la peur, et l’ennui d’avoir un hôte inattendu, quand elle venait, sans doute, de ménager à son amour tous les bonheurs de la solitude.

Je compris cette éloquence muette, et j’y répondis par un triste sourire, sourire plein de pitié, de compassion ; je la contemplai pendant un instant dans tout l’éclat de sa beauté, par un jour serein, au milieu d’une étroite allée bordée de fleurs ; et, à cet admirable tableau, je ne pus retenir un soupir.

— Hélas ! madame, je viens de faire un bien pénible voyage, entrepris… pour vous seule…

— Monsieur !… me dit-elle.

— Oh ! repris-je, je viens au nom de celui qui vous nomme Juliette…

Elle pâlit.

— Vous ne le verrez pas aujourd’hui…

— Il est malade ?… dit-elle à voix basse.

— Oui, lui répondis-je ; mais de grâce, modérez-vous. Je suis chargé par lui de quelques secrets qui vous concernent, et croyez que jamais messager ne sera ni plus discret ni plus dévoué.

— Qu’ya-t-il !…

— S’il ne vous aimait plus ?…