Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/536

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
521
LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

vers, comme Racine, ce sera un beau et durable monument.

Quant à M. Dumas, s’il veut ménager ses forces et ne pas se prodiguer en inventions exagérées ; si, avant d’écrire la première scène d’un drame, il veut prendre la peine de le construire tout entier dans sa conscience ; si, avant d’élever le portique et de tracer les lignes des galeries, il veut asseoir solidement les fondemens de son temple, il a devant lui une gloire immense et retentissante. Il n’a pas d’ennemi plus dangereux que la facilité de son travail. S’il ne se défie pas de lui-même, il est perdu, perdu sans retour. Le public lui est acquis et ne peut lui manquer ; mais, s’il continuait de se gaspiller étourdiment, comme il fait, il ne compterait plus parmi les grands et vrais artistes.

Je ne dis rien de Mérimée, le plus réel de tous nos poètes dramatiques. Dieu merci, ce n’est ni le savoir ni le génie qui lui manquent. Quand il voudra, il pourra ; mais les deux Inès et les Espagnols en Danemark, malgré l’intime vérité et la poétique animation qui les distinguent, ne seraient pas jouables. On regrette les développemens sans lesquels il n’y a pas d’art complet.

Je reviens à ma conclusion. La tragédie est morte, et le règne du drame commence.


gustave planche.