Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/548

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
533
VOYAGE EN SIBÉRIE.

ques miroirs en laiton poli, de forme ronde, qui servent à la bénédiction de l’eau, qui est une cérémonie assez bizarre : le lama fait réfléchir l’image du saint dans ces miroirs ; puis il verse sur leur surface l’eau des coupes qui retombe dans un vase et devient sacrée, parce qu’elle a recueilli en passant la figure du dieu. — Ces miroirs de métal se retrouvent en grand nombre dans les tombeaux des Kurganes ou Tschudes, et j’en ai vu beaucoup à Krasnojarsk, qui en avaient été retirés.

La neige était toujours rare sur notre route, et les traîneaux ne pouvaient avancer que sur la glace de la Selenga. On quitte le fleuve à Ust-Kiachta, et alors cesse la possibilité de voyager en traîneau. Ust-Kiachta est, par conséquent, un relais où l’on décharge tous les convois de thé et d’autres marchandises arrivant de Chine. Ces convois sont conduits de Maimatschin à Ust-Kiachta sur des voitures à roues, et c’est là seulement que le transport peut s’en faire par traîneaux. Nous laissâmes les nôtres dans la ville, et nous prîmes des tilègues de postes qui nous cahotèrent rudement, et nous menèrent au grand galop sur un chemin montant jusqu’à Troizko-Sawsko. Ce bourg est à quatre werstes de la frontière chinoise et est le siége de la douane russe ; à Kiachta, l’on ne trouve que des marchands. — Nous reçûmes à Troizko l’accueil le plus gracieux de la part du commandant des Cosaques Transbaikaliens (ce sont des Burates armés d’arcs et de flèches, et des Cosaques de la Sibérie). Ce commandant s’appelle J. Ph. Ostrowski. J’avais pour lui une lettre de recommandation qu’on m’avait donnée à Irkoutsk. Ostrowski suivit à Pékin la dernière mission dont Timkowski faisait partie, et passa une année en Chine. Comme il est né à Kiachta, il parle le mongol des Burates, dont le dialecte est compris dans toute la Mongolie ; à Pékin, on se sert du dialecte chinois proprement dit, et du mandchou, que parlent l’empereur et les officiers de marque. — Dès qu’on arrive à Kiachta, on est averti de suite qu’il ne faut jamais, en s’adressant aux Chinois, les nommer Kitaizi ou Chinois, mais Nikanzi (au singulier : Nikanez). Kitaizi est le sobriquet que les Mandchoux donnèrent aux Mongols après les avoir vaincus ; ce mot