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Qu’une fleur, par exemple, sorte de terre, j’en conclus une force d’organisation dans la nature, cette force existe pour moi en tant qu’elle crée des fleurs, des plantes, des animaux ; je ne pourrais la décrire que par ses effets ; je ne puis dire rien autre chose d’elle, sinon qu’elle est ce qui produit des fleurs, des plantes, des animaux, des êtres organisés en général. Avant de l’avoir vue, j’aurais pu dire qu’à cette place une fleur sortirait de terre, et même que ce serait une fleur de telle espèce, s’il se rencontrait le concours de circonstances qui pouvait le rendre possible ; mais en même temps, ces circonstances n’établissaient que la possibilité de l’existence de la fleur ; et lorsque je l’ai vue, je n’ai pu m’expliquer à moi-même le fait même de son existence, autrement qu’en ayant recours à une force de la nature, active, primitive, déterminée, une force enfin dont la destination fût de créer des fleurs ; car toute autre force de la nature, au milieu des mêmes circonstances, aurait peut-être produit toute autre chose ; et ici l’univers se montre à moi sous un point de vue tout nouveau.

Lorsque je considère les objets extérieurs dans leur ensemble, comme formant la vaste unité de l’univers, j’ai l’idée d’une force unique dans la nature ; lorsque au contraire, je les considère dans leur existence individuelle, j’ai l’idée de plusieurs forces de la nature, dont chacune se serait développée suivant ses propres lois, pour se montrer sous certaines formes extérieures, et je ne vois plus dans les objets qu’autant de manifestations variées de ces forces mêmes, manifestations dont chacune se trouve être tout à la fois déterminée, partie par ce qu’est en elle-même la force dont elle est en quelque sorte l’enveloppe visible, partie par ce qu’auront été les manifestations de cette force antérieure à cette dernière manifestation, partie enfin par ce que seront les manifestations de toutes les autres forces de la nature avec lesquelles cette force se trouvera en relation, c’est-à-dire avec la totalité même des forces de la nature. La nature en effet est un grand tout dont toutes les parties se tiennent et se lient. Et de la sorte, il n’est pas d’objet qui ne soit ce qu’il est, parce que la force qu’il exprime, étant ce qu’elle est, et ayant agi au