Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/608

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
593
PHILOSOPHIE DE FICHTE.

de la nature, et tout ce que j’ai dit des forces de la nature sera vrai sans aucun doute de l’intelligence. Mais n’est-elle qu’une manifestation semblable ? C’est ce qui n’est pas prouvé. C’est ce qui ne pourrait être déduit que de principes différens de ceux que j’ai posés. C’est ce qui, dans aucun cas, ne devait être admis comme une supposition servant de point de départ à mes recherches ; car il est évident que, par le raisonnement, je ne pouvais ensuite tirer de cette supposition autre chose que ce que j’y avais d’abord mis. En un mot, aucun des deux systèmes ne porte sur des bases solides.

Entre eux, ma conscience immédiate est inhabile à décider, car je n’ai la conscience ni de ces forces étrangères sous l’empire desquelles je me trouve dans l’hypothèse de la nécessité, ni la conscience de cette autre force, de cette force qui m’est personnelle, en vertu de laquelle, dans l’hypothèse de la liberté, j’agis extérieurement. Quel que soit donc le choix que je ferai, ce choix sera spontané, absolu.

Au seul nom de la liberté, mon cœur s’épanouit. À celui de la nécessité, il se resserre douloureusement. Être là froid, inanimé au milieu des scènes variées de la vie, n’avoir d’autre mission dans le monde que de présenter un miroir impassible à de fugitives ombres… cette existence m’est odieuse, insupportable. Je la déteste, je la maudis. Mieux encore, je prétends m’en affranchir. Je veux vivre par les facultés d’amour et de dévoûment qui sont en moi. Je veux me mettre en sympathie avec moi d’abord, puis avec ce qui m’entoure. Je me prendrai donc, ou pour mieux dire, je prendrai mes propres actes pour l’objet le plus constant de cette sympathie. J’agirai toujours pour le mieux. Je me réjouirai lorsque j’aurai fait le bien, je pleurerai sur moi lorsque j’aurai fait le mal. Mais cette douleur elle-même ne sera pas sans charme, car j’y trouverai le gage d’un perfectionnement pour l’avenir. Là est vraiment la vie. La vie, c’est l’amour ; hors de l’amour, c’est le néant, l’anéantissement.

La nécessité, je le sais, tourne en ridicule ce besoin d’aimer que j’éprouve. À l’entendre, je ne sais pas, je n’agis pas. Il n’y a pas de but dans ce monde à mes instincts les plus exquis, et