Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/615

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
600
REVUE DES DEUX MONDES.

était couronnée, lui fit autour du front une éblouissante auréole. — On eût dit un jeune ange endormi, l’un de ces gracieux chérubins que le suave pinceau de Murillo se plaît à grouper aux pieds de ses vierges. — Et la jeune mère, voyant là sans doute le signe de la béatification de son enfant, et le témoignage du passage de son âme à la gloria[1] ; — la jeune mère se jeta soudain à genoux près de la table, fit le signe de croix, et, les mains jointes, pria pendant quelques instans avec ferveur, et du plus profond de son âme.

Durant cette prière, un nuage avait dû voiler le soleil, car le rayon pâlit et disparut. — Quand la jeune femme se releva, je fus frappé de l’expression de calme et de résignation qui avait succédé sur ses traits à celle de la douleur. C’était cette clarté descendue d’en haut, c’était le souffle pur de la prière, qui venaient de dissiper l’ombre épaisse dont je les avais vus d’abord obscurcis.

Cependant les enfans du voisinage jouaient au taureau sur la place et dans les galeries, passant à tout moment sous les arcades, sautant, courant, faisant grand bruit. — Oh ! quelles que fussent les consolations que Dieu eût pu envoyer à la pauvre femme dans les visions de sa piété, les cris joyeux de ces enfans, si pleins de vie et de santé, devaient lui retentir douloureusement dans le cœur ! — Combien leurs mères étaient heureuses ! Qu’avait-elle fait pour n’avoir point sa part de ces joies ? — Elle contenait néanmoins et renfermait en elle la souffrance qu’elle devait éprouver à cette triste comparaison de leur sort au sien.


Un homme d’environ trente ans, d’une physionomie grave, quoique douce et ouverte entra bientôt dans la boutique, et m’ayant salué, s’approcha de la jeune femme, lui prit affectueusement les mains et l’embrassa. — Oh ! cette simple et chaste caresse, et les regards qu’ils échangèrent et confondirent, avaient

  1. La gloire, le ciel, le paradis.